Ferme durable, ferme rentable ?

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Le CARI soutient la transition des systèmes agricoles et alimentaires vers des modèles plus durables, de manière à promouvoir un environnement plus favorable aux pollinisateurs. Cependant, la notion de « durabilité » sous-entend une notion de rentabilité économique, fondamentale pour permettre la pérennité des exploitations agricoles. Si ces dernières ne sont pas rentables, elles sont vouées à disparaitre et ne peuvent alors en aucun cas prétendre à une agriculture durable.

Une conférence intitulée « Ferme durable, ferme rentable ? » était donnée le 02 décembre dernier lors de l’Agr-e-sommet à Libramont. Plusieurs experts étaient présents pour discuter de la problématique : Léonard Theron (Rume’Xperts), Frédéric Rollin (Uliège), Hugues Falys (UCLouvain), Emmanuel Grosjean (Collège des Producteurs), Xavier Anciaux (Ceinture alimentaire de Charleroi), Caroline Devillers (BelgoBio), Emilie Knapp (Agrifirm) et Vincent Rabeux (Dumoulin).

© Alice Dujardin

Assister à cette conférence était l’occasion pour le CARI de trouver les éléments permettant d’assurer une certaine rentabilité dans une démarche agricole durable. Ainsi, il est plus aisé d’argumenter pour une telle démarche. 

Présentation de la problématique 

Les contraintes agricoles de plus en plus poussées complexifient davantage les conditions de travail et compromettent la rentabilité des exploitations agricoles. Selon Mr Falys, le changement climatique, la perte en biodiversité, la raréfaction inéluctable des ressources et des engrais chimiques sont des éléments préoccupants pour le secteur agricole. L’âge moyen des agriculteurs et agricultrices (58 ans) a également de quoi inquiéter. Le faible revenu par rapport aux heures de travail prestées, le dénigrement du métier et les gros investissements nécessaires (notamment à cause du prix du foncier) n’attirent plus les jeunes. Comment est-il dès lors possible d’envisager une gestion agricole durable pour demain en constatant une diminution du nombre d’agriculteur·trices et par conséquent une tendance « à l’agrandissement » des exploitations ? Le professeur Frédéric Rollin affirme que l’on a perdu plus de la moitié des exploitations agricoles en Belgique sur les 30 dernières années (dont plus d’un tiers en Wallonie). Il est désormais question d’adopter un modèle agricole durable, résilient et robuste. Ce dernier étant capable de faire face aux contraintes actuelles et permettant une certaine rentabilité de l’exploitation agricole. Cependant, la notion de durabilité ne rime pas toujours avec « rentabilité » dans l’inconscient collectif. Il est par conséquent difficile de proposer et d’argumenter envers un modèle durable lorsqu’il n’est pas considéré comme rentable et lorsque la rentabilité de l’exploitation constitue déjà un défi de taille.

Ce que l’on retiendra de cette conférence 

  • Il est primordial qu’une exploitation agricole soit dans un premier temps rentable si elle veut prétendre à plus long terme, à une gestion agricole durable. La rentabilité de l’exploitation doit pouvoir être garantie tout en ne sous-estimant pas les externalités de l’activité agricole. Selon Mr Léonard Thoren, « Il n’y a pas de système économique viable sans rentabilité mais la rentabilité ne doit pas se faire à n’importe quel coût ». Un revenu décent est également un facteur clé. Il encourage l’agriculteur·trice à promouvoir son activité et lui permet d’envisager une gestion durable de son exploitation. De plus, cela permet de rendre le métier plus attrayant pour les nouvelles générations.
  • Les exploitations agricoles sont invitées à emprunter le chemin de la durabilité pour une transition graduelle vers une gestion encore plus durable. Il ne s’agit pas de changer l’intégralité de son exploitation du jour au lendemain. Selon Mr Léonard Theron, il est possible de faire un peu d’agroécologie dans un modèle agricole considéré comme conventionnel. Selon Mr Hugues Falys, chacun peut évoluer à son échelle en fonction de la structure de son exploitation et peut se diriger plus ou moins loin vers l’agroécologie. Cependant, les agriculteur·trices qui ne se dirigent pas vers l’agroécologie vont y perdre selon lui lors de la nouvelle réforme de la PAC.
  • Il est conseillé de tendre vers une plus grande autonomie fourragère (notamment en nourrissant son bétail à l’herbe) et une plus grande autonomie en intrants. Diminuer sa consommation en intrants (dont les produits phytosanitaires) permet dans un premier temps de réduire les couts de l’exploitation. Dans un second temps, cette diminution en ce qui concerne les produits phytosanitaires permet aussi de mieux tirer parti des services écosystémiques tel que la régulation des ravageurs par les auxiliaires et la pollinisation. Selon Mr Léonard Theron, une augmentation de rentabilité peut tout à fait être observée en parallèle d’une extensivité croissante de l’exploitation agricole.
  • Il est important de reconnecter l’agriculteur·trice et le consommateur·trice, tellement le rôle de ce·tte dernier·ère est primordial dans la rentabilité des exploitations. Si le/la consommateur·trice en vient par exemple à consommer local, il/elle peut avoir un réel impact sur la rentabilité des exploitations agricoles. La relocalisation des produits et des filières permet de récupérer de la valeur ajoutée et favorise ainsi la rentabilité économique des exploitations agricoles du territoire. En pratique, une consommation locale est tout à fait réaliste mais reste cependant un réel défi. On constate en effet que l’alimentation est trop souvent la première variable d’ajustement en temps de crise. Cependant, ce n’est pas impossible non plus. Mr Emmanuel Grosjean affirme qu’une augmentation de vente de 15% des produits locaux a pu être observée durant la période du COVID. Pour encourager le/la consommateur·trice à acheter local, il est important de le/la reconnecter à son terroir et notamment aux agriculteur·trices de sa région.