Ce vendredi 26 août, nous avons suivi à distance plusieurs chercheurs qui ont dévoilé les résultats de leurs études dans l’enceinte du congrès Apimondia à Istanbul. Parmi les innombrables présentations qui se sont enchainées dans les différentes salles, certaines d’entre elles ont vivement retenu notre attention.
« Comportement, physiologie et génétique des abeilles »
Ce symposium a démarré avec Yu Chun Lin. Son équipe a investigué les effets néfastes de l’imidaclopride sur le comportement des abeilles. L’imidaclopride, outre sa prononciation difficile, est un insecticide de la famille des néonicotinoïdes dont l’utilisation est aujourd’hui interdite sur le sol européen mais encore autorisée dans certaines régions du monde dont l’Asie. La chercheuse démontre que l’insecticide inhibe la mobilité générale de l’abeille : en présence du produit, la fréquence de battement d’ailes est réduite (1), ce qui entrave la capacité de vol et de mouvement de l’insecte (2) et mènerait à une moindre quantité de pollen collecté par l’abeille (3).
Si l’utilisation du produit reste controversée, la solution proposée par l’équipe de recherche pour limiter l’impact négatif du produit sur le comportement physique et nutritif de l’abeille résiderait dans l’utilisation d’une autre molécule : l’adénosine, un composé impliqué dans les mécanismes de détoxification et de relargage d’énergie. Selon Yu Chun Lin, cette molécule semble protéger ou restaurer les voies métaboliques ciblées par le pesticide : les abeilles exposées à l’adénosine après un traitement à l’imidaclopride gardent l’énergie nécessaire pour assurer leur mouvement (4) et la collection de pollen (5 et 6). Néanmoins, les mécanismes sous-jacents doivent être investigué et le sujet soulève une question dans le public : l’adénosine montre des effets toxiques à long terme, ne devons-nous pas aborder la question des effets de l’utilisation d’insecticides sur les abeilles autrement qu’en suivant une perspective curative ?
L’usage d’insecticides en agriculture interroge sur l’usage d’insecticides en apiculture. C’est dans ce contexte que Stephen F. Pernal s’est penché sur la lutte contre le varroa. Aujourd’hui plus que jamais, le besoin de développer des produits anti-varroa alternatifs aux produits actuels (7) pour limiter les risques sur la santé de l’apiculteur et sur l’apparition de résistances se fait sentir. Le chercheur et son équipe ont découvert le potentiel anti-varroa d’une forme de l’alkoxy-benzene (3C(3,6)).
Après avoir observé en laboratoire que la molécule entrainait une paralysie et la mort d’un nombre significatif d’individus varroa, l’équipe a tenté l’expérience sur le terrain, aux niveaux de plusieurs ruches. L’objectif des chercheurs s’inscrit ici dans une perspective de lutte intégrée, centrée sur l’utilisation successive de deux produits aux modes d’actions différents, limitant les risques de résistance pour une lutte plus efficace et plus durable (8). Ainsi, l’efficacité du traitement couplé 3C(3,6) puis Apivar s’élève à 80% et permet un contrôle de la population de varroa plus rapide et plus stable dans le temps que le témoin (sans traitement) (9). L’équipe de recherche s’est assuré que l’alkoxy-benzene n’affectait pas l’élevage ou le comportement général des colonies, au contraire, la molécule semble même assurer une certaine protection contre la mortalité hivernale (10). Si cette étude semble prometteuse, Stephen F. Pernal reste prudent et souhaite investiguer l’influence de la dose, de la période d’application ou encore de l’efficacité du traitement selon la génétique de l’abeille…
En parlant de génétique, Maria Alejandra Palacio a quant à elle présenté les résultats de son étude évaluant l’impact de la génétique et de l’environnement sur l’apport nutritionnel du pollen et du pain d’abeille produits par des populations d’abeilles africanisées et d’abeilles européennes. Le pollen frais récolté est fermenté en pain d’abeille puis stocké et utilisé comme substance nutritive lors des périodes creuses ou de croissances. De manière générale, le pain d’abeille possède un pH plus faible que le pollen. Le pain d’abeille contient également une teneur en protéine plus faible, dû au processus de fermentation qui mène à sa formation, mais plus facilement assimilables que les protéines du pollen. Les deux matériaux ont donc des valeurs nutritives différentes et cette valeur varie selon certains paramètres. Ainsi :
- L’origine génétique influence les caractéristiques nutritionnelles des deux matières : le pain des colonies africanisées possède un pH plus faible que celui des colonies européennes alors qu’aucune différence nutritionnelle significative n’est relevée pour le pollen (11). Selon la chercheuse, la variation observée dans le pH peut-être lié à un microbiote différent selon l’espèce alors que l’absence de variation dans le pH pour le pollen peut-être lié à un manque de diversité dans les pollens analysés.
- L’environnement n’influence d’aucune manière le pH ou la teneur en protéine du pollen et du pain d’abeille de chaque espèce (12).
La chercheuse finit par préciser que l’étude n’est qu’une prémisse qui soulève beaucoup d’interrogations et conclut en insistant sur le besoin d’investiguer l’impact de ces facteurs sur l’état nutritionnel général des abeilles. Comme beaucoup d’autres conférenciers, elle sous entend également l’influence du réchauffement climatique sur la vie des colonies d’abeilles mellifères, thème abordé tout au long de cette journée de congrès et qu’on retrouvera probablement dans le programme de demain !