Stratégie 2023-2030 pour les Insectes Pollinisateurs et auxiliaires en Région Bruxelles Capitale

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Le 15 décembre 2022, le Gouvernement bruxellois a adopté la « Stratégie pour les Insectes pollinisateurs et auxiliaires en région Bruxelles Capitale« .

Mise en contexte

Pour rappel, fin 2019 le Ministre bruxellois de l’Environnement, Alain Maron, avait indiqué vouloir supprimer les ruchers des zones Natura 2000. Cette annonce avait provoqué l’émoi des apiculteurs et a été à l’origine d’une action citoyenne et pétition au Ministre et au Parlement.

Le Ministre avait, en 2021, revu sa position et assuré que des tables rondes incluant administration, scientifiques, naturalistes et secteur apicole seraient organisées en 2021 et 2022. Le document stratégique résulte de cette concertation.

Poursuivant la même ligne directrice que l’Initiative européenne pour les pollinisateurs et la Déclaration de la Coalition des volontaires pour les pollinisateurs, signées en 2016 par la Belgique, cette nouvelle stratégie précise les ambitions de la stratégie nationale belge en faveur des pollinisateurs 2021-2030 au niveau de la Région Bruxelles-Capitale (RBC), afin de tenir compte des spécificités régionales tout en intégrant la question de la cohabitation entre pollinisateurs sauvages et domestiques notamment en milieu urbain. D’autre part, pour répondre aux ambitions de la Stratégie européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 et de réduire significativement l’utilisation des pesticides, la stratégie bruxelloise étend également ses objectifs à la préservation des insectes auxiliaires impliqués dans le développement de la lutte biologique.

Nous vous présentons ci-dessous les points clefs de cette stratégie et ses implications pour l’apiculture bruxelloise.

Portée de la Stratégie et Objectifs

La stratégie bruxelloise vise à « favoriser les conditions nécessaires à la conservation et au développement des populations d’insectes pollinisateurs et auxiliaires, des espèces profitables voire indispensables aux maintien des écosystèmes« . Elle cible notamment trois objectifs majeurs pour les horizons 2025 et 2030, à savoir:

  • Renforcer l’état des connaissances sur la distribution et l’abondance des espèces de pollinisateurs en RBC (horizon 2025) ;
  • Réduire de 50% le nombre des espèces présentant une tendance négative en termes de taille de population et de distribution et augmenter de 50% le nombre des espèces présentant une tendance positive, par rapport à 2019 (horizon 2030) ;
  • Contribuer à atteindre une mortalité hivernale annuelle des colonies d’abeilles domestiques de moins de 15% * (horizon 2030).

Pour rappel, cette stratégie constitue une feuille de route et un cadre indicatif des mesures jugées importantes et approuvées par les principaux groupements naturalistes, scientifiques et apicoles actifs sur le territoire de la RBC. Elle ne constitue en aucun cas un cadre contraignant et ne découle d’aucune obligation législative, réglementaire ou administrative.

Orientations stratégiques

La Stratégie bruxelloise 2023-2030 pour les insectes pollinisateurs et auxiliaires comporte 65 mesures (reparties en 3 grands axes stratégiques et 19 focus), dont nombre d’entre elles visent à créer des habitats propices au maintien des insectes pollinisateurs et auxiliaires.

En voici les grandes lignes (les points en rouge concernent plus particulièrement l’apiculture bruxelloise):

Axe 1 – Connaître et comprendre

  • Focus 1 – Améliorer les connaissances sur l’état des populations d’insectes pollinisateurs et auxiliaires ((via notamment la création d’atlas des papillons de jour et de nuits, des syrphes, des coléoptères, des guêpes sociales et solitaires et autres organismes auxiliaires, et à l’actualisation tous les 10 ans des atlas existants)
  • Focus 2 – Suivre les dynamiques des populations d’insectes (via par exemple le développement d’un monitoring récurrent de certaines espèces prioritaires, mais aussi celui d’espèces exotiques envahissantes (EEE) nuisibles aux pollinisateurs telles que le frelon asiatique)
  • Focus 3 – Améliorer les connaissances sur l’état et l’évolution des populations d’abeilles mellifères
  • Focus 4 – Évaluer la qualité et la quantité des ressources alimentaires disponibles pour les pollinisateurs (ce point intègre notamment une actualisation de l’Atlas floristique de la région bruxelloise dont la dernière version date de 2006, mais aussi l’utilisation de balances de ruches connectées permettant un suivi régulier de la dynamique de production de miel dans différentes zones témoin de la RBC)
  • Focus 5 – Évaluer l’incidence des apports de pollinisateurs et auxiliaires gérés (sur base d’une revue de littérature scientifique internationale et des données d’observations et d’études en RBC, avec une priorité données à Apis mellifera ; formuler des recommandations pouvant porter sur les densités admissibles, les éventuelles zone de restriction ou exclusion notamment au niveau des zones de protection ; le Comité participatif de la stratégie sera associé au suivi des études)
  • Focus 6 – Évaluer les interactions et interdépendances entre l’agriculture régionale et les pollinisateurs et auxiliaires (en appui de la stratégie Good Food)
  • Focus 7 – Tenir compte des connaissances les plus récentes (via une veille informationnelle permettant d’adapter la mise en œuvre de la présente stratégie selon les avancées scientifiques et des retours d’expérience de terrain pertinents pour le contexte bruxellois)

Axe 2 – Protéger et agir

  • Focus 8 – Conférer une protection juridique aux espèces d’intérêt régional (ce point concernerait tant les espèces rares, menacées ou vulnérables identifiées dans les démarches d’Atlas du Focus 1, que les ressources clés telles que des plantes spécifiquement liées à des insectes sur liste rouge et/ou des habitats particuliers)
  • Focus 9 – Renforcer qualitativement et quantitativement l’infrastructure verte (par exemple en stimulant la végétalisation du bâti et de ses abords, en développant des outils d’aide à la décision pour la plantation d’espèces végétales adaptées, en revenant sur les décisions d’échardonnage, en stimulant l’enherbement et la gestion par fauche des zones tampons, …)
  • Focus 10 – Renforcer la pollinisation et le contrôle biologique naturels en agriculture (notamment en renforçant les pratiques agroécologiques, en favorisant les pratiques de fertilisation raisonnées et de préservation des sols, inciter au maintien des milieux ouverts et prairies (semi-)naturelles non traitées, …)
  • Focus 11 – Réduire l’utilisation de pesticides de synthèse (mettre en œuvre les actions du Programme régional de réduction des pesticides, proposer des prescriptions de gestion intégrée dans le cadre de la lutte contre les guêpes sociales et frelons européens afin d’éviter la destruction des nids considérés comme non préoccupants et réduire l’impact sur les espèces non-ciblées)
  • Focus 12 – Encadrer l’apport d’auxiliaires gérés
  • Focus 13 – Encadrer l’apport de pollinisateurs gérés ((saisir le CSBN afin d’émettre un avis sur l’apport de pollinisateurs gérés et sur leur densité notamment dans le cadre de zone protégées en particulier Natura 2000, et proposer un encadrement dynamique, évolutif et flexible des densités de pollinisateurs gérés suite à l’avis émis par le CSBN, limiter les implantations de ruchers à dimension économique, …)
  • Focus 14 – Mettre en œuvre une gestion intégrée des espèces exotiques envahissantes (établir un rapide plan de lutte contre le frelon asiatique et adapter si nécessaire les plans de lutte déjà existants contre les espèces exotiques envahissantes non réglementées mais néanmoins nuisibles aux pollinisateurs, par ex. Mégachile sculpturalis)
  • Focus 15 – Développer un « maillage étoilé » (recommandations visant à réduire les incidences négatives de l’éclairage nocturne sur la faune tout en veillant à la sécurité et accessibilité des infrastructures urbaines)

Axe 3 – Communiquer et former

  • Focus 16 – Diffuser les informations vers le grand public
  • Focus 17 – Former, informer et animer une communauté naturaliste
  • Focus 18 – Former et informer les (candidat.es) apiculteurs et apicultrices
  • Focus 19 – Former, informer et outiller les différents secteurs professionnels

Et l’apiculture bruxelloise dans tout ça?

Dans la stratégie bruxelloise, il est mentionné que « l’apport non régulé d’espèces de pollinisateurs ou auxiliaires gérées dans la nature, qu’elles soient indigènes ou non, peut représenter des risques pour les populations sauvages, notamment au travers de phénomènes de prédation non ciblés [auxiliaires], de compétition pour les ressources alimentaires ou les habitats, de transmission de pathogènes [virus, bactéries, parasites], de modifications plus larges des réseaux d’interactions ou de bio-invasions [pour les espèces exotiques envahissantes]« .

Ainsi, une attention spécifique a été portée sur les pollinisateurs et auxiliaires gérés (dont font partie les colonies d’abeilles mellifères) afin d’adopter un cadre global pour garantir la préservation des populations indigènes sauvages.

Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour l’apiculture bruxelloise?

La Société Royale d’Apiculture de Bruxelles et ses Environs (SRABE) appuyée par le CARI, a travaillé avec ardeur afin de défendre les droits des petits apiculteurs bruxellois, et les restrictions abusives que nous pouvions craindre n’ont pas eu lieu. La petite apiculture bruxelloise  (2 à 4 ruches) maintient sa place légitime partout en RBC (et inclus en zone naturelle protégée). En revanche, les gros ruchers à finalité et dimension économique n’étant pas adaptés à cet environnement urbain, sont plus sujets à débat et contraintes.

Les points clefs concernant la gestion des colonies en RBC sont repris dans le « Focus 13 – Encadrer l’apport de pollinisateurs gérés« , à savoir qu’il est prévu de:

  • Limiter la promotion active de l’apiculture dans les instruments publics afin de stabiliser la population d’abeilles mellifères dans l’attente des résultats de l’évaluation d’incidence ;
  • Redynamiser les conventions pour les ruchers sur les terrains régionaux sous la responsabilité de Bruxelles Environnement en maintenant les projets associés aux zones potagères hors sites protégés ;
  • Saisir le CSBN afin d’émettre un avis sur l’apport de pollinisateurs gérés et sur leur densité, en particulier concernant Apis mellifera, notamment dans les zones spéciales de conservation Natura 2000; l’avis rendu par le CSBN permettra de proposer un encadrement dynamique, évolutif et flexible des densités de colonies, selon une actualisation régulière en fonction des contextes locaux ;
  • Décourager le développement d’une apiculture à finalité et dimension économique nécessitant des permis d’environnement de classe 2 et 1b en Zones spéciales de conservation Natura 2000 ;
  • Décourager et encadrer d’avantage les entreprises proposant des services apicoles, souvent dans des zones peu végétalisées du centre-ville (toitures d’hôtels, entreprises, …) ;
  • Proposer une adaptation du code rural pour tenir compte des pratiques de l’apiculture urbaine moderne (toiture, terrasse, intérieur d’îlots..).
Procession de la Saint Ambroise à Bruxelles le 7/12/22

Rappels sur la législation en vigueur à Bruxelles et sur la détention de ruches en zone urbaine

La législation belge s’applique à Bruxelles. Elle a notamment pour but de permettre des relations de bon voisinage entre les apiculteurs et les autres habitants et de prévenir les risques pour les usagers (piqûres notamment).

Il est donc demandé de:

  • respecter une distance de 20m entre le rucher et une habitation ou la voie publique (chemin, route…),
  • respecter une distance de 10m entre le rucher et une habitation ou une voie publique si et seulement si il y a un obstacle plein d’au moins 2m de hauteur (maison, mur, haie arborée dense…) entre le rucher et l’habitation ou la voie publique,
  • détenir un permis d’environnement à demander auprès de votre commune si vous posséder plus de 2 ruches (disposition spécifique à Bruxelles) – (voir « guide administratif » de la SRABE téléchargeable gratuitement au lien suivant: https://api-bxl.be/index.php/nos-brochures/390-le-petit-guide-administratif-de-l-apiculteur-bruxellois-3)

Enfin, si vous souhaitez construire un abri (rucher fermé, miellerie…), il se peut que vous nécessitiez l’obtention d’un permis d’urbanisme. Renseignez-vous auprès de votre administration communale pour savoir si vous êtes concerné ou non et les modalités d’obtention du dit permis le cas échéant.