Sous-estimation du risque d’exposition des abeilles aux pesticides

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Le concept de culture attractive remis en question

Une étude réalisée par le CARI et le Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W) dans le cadre d’un projet sur le déclin des colonies d’abeilles financé par le Service public de Wallonie a été publiée dans la revue Scientic Reports. Cette étude remet en question le concept de culture non attractive pour les abeilles.

L’évaluation des risques des pesticides est actuellement basée sur l’évaluation du risque d’exposition et de la toxicité de chaque substance. Pour les pollinisateurs, le risque d’exposition est considéré élevé pour les cultures attractives fournissant du nectar et du pollen (colza, fruitiers) et négligeable pour les autres cultures comme la betterave ou les céréales, cultures dites « non attractives ». Toutefois, le prélèvement dans 40 ruchers, de 60 échantillons de pelotes de pollen collectées par des abeilles domestiques à la fin de la saison (août à octobre) montre des rentrées de plusieurs pesticides dans des environnements dominés par des cultures non attractives pour les abeilles.

Alors qu’à cette période de l’année, l’utilisation de pesticides est limitée et que les cultures attractives ne sont plus en fleur, les pelotes de pollen collectées ont été principalement contaminées par deux fongicides, le boscalid et le pyremethanil, et un insecticide, le dimethoate ainsi que marginalement par d’autres substances : trois fongicides (cyprodinil, kesoxim- methyl, tri oxystrobin) et un insecticide néonicotinoide (thiamethoxam).

L’analyse de l’occupation du sol (types de cultures) autour des ruchers montre clairement un lien entre la surface de culture potentiellement traitée dans un rayon de 3 km et la proportion d’échantillons de pollen contaminés par le boscalid et le dimethoate. De manière générale, plus les ruchers sont entourés de cultures, plus le risque de contamination est élevé.

Par contre, un lien clair entre les contaminations par du pyrimethanil et les pratiques culturales autour des ruchers n’a pas pu être établi. 

Quant à l’analyse de l’origine du pollen, elle indique que le pollen rapporté à cette époque dans ces ruchers est issu majoritairement de fleurs sauvages ou de fleurs semées mais non traitées, comme la phacélie. Cette dernière est une espèce très attractive pour les abeilles. Elle est utilisée dans les bandes fleuries jouxtant les cultures ou comme culture de couverture pour piéger les nitrates (CIPAN). Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour expliquer la contamination de ces fleurs : la dérive sur les bords des champs ou encore, pour les produits ayant des propriétés systémiques, la mobilisation par ces plantes à fleurs des résidus de pesticides présents dans le sol.

Ces résultats suggèrent que les pesticides appliqués sur des cultures non attractives pour les pollinisateurs, comme les céréales ou la betterave, et donc théoriquement considérés sans risque pour les pollinisateurs, peuvent être des sources d’exposition pour les abeilles. Dès lors, dans l’évaluation du risque des pesticides pour les abeilles, le concept de culture non attractive devrait être revu. De plus, à cause des diverses contaminations possibles, les mesures d’aménagement du territoire a priori favorables aux pollinisateurs comme les bandes euries pourraient augmenter le risque d’exposition aux pesticides.

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