Qu’en est-il de l’utilisation des produits de protection des plantes en Wallonie de 2004 à 2020 ?

      Commentaires fermés sur Qu’en est-il de l’utilisation des produits de protection des plantes en Wallonie de 2004 à 2020 ?
Qu’en est-il de l’utilisation des produits de protection des plantes en Wallonie de 2004 à 2020 ?

L’asbl Corder a présenté ce mardi 13 décembre l’état des lieux de l’utilisation des Produits de Protection des Plantes (PPP) en Wallonie pour la période 2004-2020. Une équipe de recherche a réalisé une « estimation quantitative de l’utilisation des produits phytosanitaires par les différents secteurs d’activité en Wallonie ». Comment ont-ils compilé les résultats et que peut-on en tirer ?

Méthodologie

L’ensemble du projet de recherche se concentre sur l’étude de 44 substances actives ou « s.a. », composant des PPP qui représentent la majorité des ventes de s.a. en Belgique depuis 1992. Les résultats présentés excluent certains produits tels que les produits de traitement des semences, les micro-organismes ou encore les phéromones*.

Le projet compare des données de ventes et d’utilisation de s.a. récoltées au fil des différentes études réalisées par l’asbl Corder, permettant in fine d’obtenir des données pour l’année 1995 et la période 2004-2020. Les résultats sont comparés selon le type d’utilisateurs (professionnels {agricoles et non agricoles} et non-professionnels), la catégorie de substances actives (herbicides, insecticides, fongicides…) et le type de culture au sein du secteur agricole.

Résultats

1. Evolution du nombre de s.a vendues en Belgique :

Les résultats indiquent une réduction du nombre de s.a. vendues en Belgique entre 1995 et 2010 puis une stabilisation des ventes jusqu’en 2020. La réduction observée est probablement lié à la mise en place de la directive 91/1914 (1995-2009) qui consistait en une révision de toutes les s.a autorisées au sein de l’UE. Ainsi, l’élaboration de critères d’approbation plus stricts a donc entrainé l’exclusion progressive de substances sur le marché belge de sorte que le nombre de s.a vendues sur le marché approche 270 substances aujourd’hui au lieu de 358 en 1995.

2. Evolution de la quantité totale de s.a. vendues en Belgique :

De la même manière, la réduction de la quantité de s.a vendues en Belgique observée entre 1995 et 2010 pourrait être liée à plusieurs facteurs tels que : (1) la substitution d’anciennes substances par des s.a. de nouvelle génération actives à plus faibles concentrations, (2) l’interdiction d’usage de s.a. à doses élevées, (3) l’application plus raisonnée des s.a. par les agriculteurs suite à la mise en place de formations et des campagnes de sensibilisation, (4) le développement d’outils d’aide à la décision grâce aux réseaux d’avertissements et (5) l’augmentation de la superficie consacrée à l’agriculture biologique qui sous-entend une utilisation plus encadrée et limitée des PPP.

Evolution de la quantité de s.a. vendues selon le type d’utilisateur

Au cours des dernières années, la quantité totale de s.a vendues aux utilisateurs non-professionnels se réduit de plus en plus. Cette diminution globale progressive pourrait être liée au retrait de certaines s.a fréquemment retrouvées dans les produits commerciaux ou encore à un changement de comportement vers l’achat de solutions de traitements des plantes alternatives aux PPP. À l’inverse, les ventes de s.a aux utilisateurs professionnels restent élevées quelque soit l’année considérée.

Evolution de la répartition des quantités de s.a vendues (en tonnes et en %) entre les différents types d’utilisateurs.

Evolution de la quantité de s.a. vendues selon le type de substance

Si on observe une réduction de la quantité totale de s.a vendues, on observe également une réduction des quantités de s.a vendues relatives aux herbicides au profit des s.a relatives aux fongicides. Ensemble, ces deux types de produits rassemblent le plus de quantités de s.a vendues pour tous les utilisateurs. En fait, l’augmentation de la quantité de s.a fongicides serait en partie liée à la réapparition des certaines maladies fongiques grâce aux conditions météorologiques plus propices au développement des maladies cryptogamiques. La quantité de s.a herbicides vendues reste néanmoins très élevée puisque le retrait du glyphosate pour les non-professionnels a entrainé une augmentation des ventes d’acide pelargonique tandis que le glyphosate continue d’être vendu et utilisé pour le désherbage effectué par les professionnels (secteur agricole).

Evolution de la répartition des quantités de s.a vendues (en tonnes et en %) entre les différents grands groupes de s.a.

3. Estimation de l’utilisation de s.a. par le secteur agricole pour les principales cultures à l’échelle de la Wallonie

L’équipe de Corder a développé une nouvelle méthode combinant les données fournies par la DAEA, le SiGec et BioWallonie afin de travailler sur un échantillon plus représentatif que celui constitué dans les dernières études. Cependant, cet échantillon ne prend pas en compte les exploitations biologiques ou encore certaines cultures secondaires à cause du manque de données*.

Parmi les différentes cultures, les résultats indiquent que la pomme de terre de conservation reçoit la dose de s.a. (kg/ha) la plus élevée suivie par la betterave (sucrière et fourragère), les pois, le colza et les céréales diverses (orge, épeautre, maïs, avoine). Tandis que les prairies temporaires et permanentes reçoivent le moins de s.a (kg) à l’hectare. C’est globalement la même tendance qui se reproduit d’année en année, jusqu’en 2020.

Néanmoins, le manque de données récoltées concernant l’utilisation de s.a par les exploitations pour certaines cultures comme la pomme de terre ou le pois et l’utilisation variable de PPP d’une exploitation à l’autre sont donc deux facteurs qui expliquent un écart-type (ou une variabilité) élevé. Ce point souligne l’importance de faire perdurer le projet afin de récolter davantage de données pour les années à venir, ce qui permettra d’avoir une idée de plus en plus représentative de l’utilisation de s.a par le secteur agricole.

Estimateurs de la dose globale de s.a. des différents secteurs agricoles en 2020.

Sans grande surprise, il semble que les cultures de pomme de terre et de céréales reçoivent essentiellement des doses élevées de s.a fongicides (cymoxanil, mancozèbe), là où les cultures de betterave et de maïs reçoivent majoritairement des s.a herbicides (métamitrone, phenmédiphame ou mésotrione et terbuthylazine).

Ce qu’il faut retenir

Bonne nouvelle : le nombre et la quantité totale de s.a. vendues en Belgique a bien diminué depuis 1995 et s’est stabilisé ces dernières années. Cette réduction est peut-être le reflet d’une prise de conscience tant de la part des utilisateurs de PPP que des structures de règlementation sur l’impact de l’utilisation accrue des PPP dans notre environnement et sur la nécessité, s’il le faut, d’y recourir de manière raisonnée et régulée.

Au final, l’ensemble de ces résultats supposent que les quantités de s.a les plus vendues actuellement font référence d’abord à des herbicides et des fongicides, puis aux autres PPP, viennent ensuite les insecticides et acaricides, les régulateurs de croissance et enfin les mollusicides et ce, pour l’ensemble des utilisateurs. Concernant le secteur agricole, le type de s.a utilisé varie d’une culture à l’autre, même si à nouveau, les fongicides et les herbicides sont en moyenne majoritairement utilisés sur les cultures sélectionnées dans l’étude.

Répartition des quantités totales de s.a. utilisées par grand groupe de s.a. en 2020.

De manière générale, cette étude semble également indiquer que le secteur professionnel regroupe le plus grand nombre de s.a. autorisé. C’est également le secteur caractérisé par une utilisation la plus accrue de s.a. comparé aux utilisateurs non-professionnels.

La suite ?

Partant de cette étude, l’association Corder s’est donné 4 ans pour élaborer un outil qui permettrait de comparer les données de ventes et d’utilisation de PPP s’accumulant d’une année à l’autre. Ce véritable outil collaboratif soutiendrait l’analyse de l’évolution des comportements d’usages des PPP selon la substance active, le type d’utilisateur ou encore le type de culture. Avec ces données, l’équipe de Corder souhaite à terme caractériser la pression des s.a sur différents « compartiments » tels que la santé humaine, la faune ou encore le milieu (sols et eaux).

Grâce aux résultats fournis par cet outil et en investiguant les paramètres qui influencent les dynamiques de vente et d’utilisation de certains PPP, l’asbl pourrait mieux cibler ses actions : faudra-t-il davantage sensibiliser les particuliers à l’utilisation raisonnée des PPP, mieux informer les agriculteurs sur les bonnes pratiques en favorisant les techniques de lutte alternative ou soutenir des campagnes pour préciser la règlementation ? Tant d’actions potentielles à venir que nous suivrons de près !

Les graphiques présentés lors de cette réunion seront repris, avec une meilleure qualité d’image, dans un rapport officiel diffusé début 2023. Pour patienter d’ici là, vous pouvez consulter toutes les informations sur les résultats des études précédentes ici.

*ni les additifs, agents anti-mousse, désinfectants, agents mouillants, phytoprotecteurs et synergistes.