Les foyers belges ont sans doute vu passer cette publicité du groupe Colruyt faisant la promotion de la durabilité d’un miel liquide bio venu du bout du monde (le Brésil).
Durabilité économique?
Nous avons été interpelés par la narration accompagnant ce miel bio de marque distributeur (Boni Sélection) vendu à 11,56€ le kilo (2,89€ les 250 grammes). Que signifie pour le groupe Colruyt « un prix équitable, transparent et stable »? La narration publicitaire n’en fait pas état et se contente d’auto-proclamer le caractère équitable du produit. Le distributeur trouve sa caution morale auprès de son partenaire, l’ONG flamande Trias. « Trias soutient les agriculteurs de Coopemapi en facilitant le bon fonctionnement de la coopérative à l’aide de formations ainsi que de microcrédits et en donnant à leurs membres l’accès aux marchés (internationaux) » lit-on sur le site Colruyt pour valider le caractère durable de l’entreprise belge.
Pour la petite histoire, la coopérative Coopemapi est adossée à ApexBrasil, l’Agence brésilienne de promotion du commerce et des investissements dont l’objectif est de promouvoir les produits et services brésiliens à l’étranger et d’attirer les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques de l’économie brésilienne comme la production alimentaire par exemple. La coopérative Coopemapi est également adossée à CNA Brasil, la Confédération de l’agriculture et de l’élevage du Brésil, chargée de rassembler les associations et les dirigeants politiques et ruraux de tout le pays. La CNA soutient la génération de nouvelles technologies qui peuvent aider le producteur dans la plantation, la gestion et la création d’agro-industries visant à augmenter la productivité agricole. Durabilité économique ou opération séduction de l’agro-alimentaire brésilien? La question est posée.
Ce qui est certain, c’est que la rationalisation des débouchés commerciaux, une des valeurs économiques durables, n’entre pas en considération. Quid du circuit court ? La question de l’empreinte carbone du miel peut être réfléchie à partir de cet exemple. Nous y percevons un paradoxe.
Durabilité environnementale?
« En combinant l’apiculture et la culture biologique de légumes, de fruits et d’herbes, les apiculteurs de Coopemapi contribuent à restaurer l’écosystème naturel » déclare le site de Colruyt. L’écosystème naturel du Minas Gerais est-il la culture maraîchère? Certes, une production bio dans un contexte de monocultures (plantations de bananes, de café, de maïs…) et d’exploitation minière peut être aisément perçue comme un progrès. De là à parler de restauration des écosystèmes… Restaurer les écosystèmes ne se résume pas à placer des ruches et à ne plus utiliser de pesticides.
Durabilité sociale?
La durabilité sociale se résume à la formation de 40 jeunes à l’apiculture d’ici 2025. « Le projet de formation reposera sur trois piliers de durabilité : l’activité apicole comme alternative pour générer des revenus (profit), les technologies à faible coût pour la résilience écologique (planet) et enfin l’autonomisation des jeunes et le renforcement du réseau des jeunes apiculteurs (people) », développe le site de la Fondation Colibri de Colruyt Group.
Sérieusement? …
Importation
Le miel brésilien est importé en Belgique par ce qu’il est convenu d’appeler le « partenaire biologique » de Colruyt Group, la société Meli qui gère transformation et conditionnement. Meli s’investit ainsi dans un projet de filière international étiqueté durable.
A l’heure où la filière apicole européenne a grand besoin de soutien, victime de la concurrence souvent déloyale des miels d’importation pas toujours respectueux des normes de qualité et de la législation européenne, revenir aux fondamentaux nous paraît important. Soutenir les producteurs locaux garantissant la qualité de leur production offre aussi l’avantage de baisser l’empreinte carbone, une vraie « résilience écologique » pour un grand distributeur.
Et si vous souhaitez réfléchir à la question de la durabilité en apiculture, n’hésitez pas à consulter notre site.