La semaine des pollinisateurs européens s’est tenue à Bruxelles ces 28, 29 et 30 novembre avec possibilité de suivre les différentes sessions online. Les sessions du deuxième jour portaient sur le thème « questions techniques, politiques et scientifiques concernant la santé des pollinisateurs et la durabilité de l’apiculture ».
La mise à jour de la Révision de l’Initiative Européenne pour les Pollinisateurs a ouvert cette 2ème journée.
Cette initiative adoptée en Juin 2018, a fait l’objet d’une première révision en Mai 2021 qui a abouti à une nouvelle version adoptée en Janvier 2023. Cette dernière version a été réalisée à partir des retours d’informations et d’expériences inter-institutionnels avec une consultation approfondie des différentes parties prenantes, à savoir des institutions européennes ainsi que de la Cour des comptes européenne et du Comité des régions. Ces échanges ont permis d’aboutir à la proposition de Loi pour la restauration de la nature ECI « Save Bees and Farmers » votée (et adoptée) le même jour (29 novembre) par le Parlement européen (https://environment.ec.europa.eu/topics/nature-and-biodiversity/pollinators_en).
Hans Stielstra (DG ENVI) a présenté les principales caractéristiques de l’initiative révisée et relève que cette initiative répond notamment aux revendications citoyennes de l’Initiative citoyenne européenne « Sauvons les abeilles et les agriculteurs », qui a recueilli plus d’un million de signatures.
Les principaux objectifs de cette initiative sont :
- Améliorer les connaissances via notamment : la mise en place de systèmes de suivi et d’indicateurs complets s’appuyant sur des données de recherche fondamentale et appliquée ; l’évaluation et la mise à jour de la liste rouge pour l’Europe et une cartographie des zones clés pour les pollinisateurs.
- Lutter contre le déclin des pollinisateurs notamment en mettant en place des mesures ciblant les pratiques agricoles et l’utilisation des pesticides. Cette lutte passe également par la mise en place de projets de conservation tels que des projets HD, LIFE ou encore « Buzz Line », avec un accent porté aux zones urbaines et aux plans de verdissements, mais aussi engagé dans la lutte contre les pollutions lumineuses.
- Mobiliser la société et élaborer une planification stratégique en : favorisant l’engagement des entreprises et des jeunes citoyens via un plan de communication solide et engagé; développant des stratégies nationales, plans régionaux et locaux avec la collaboration des parties prenantes.
Gaelle Marion (DG AGRI) a présenté les nouvelles mesures visant à restaurer les habitats pour les pollinisateurs dans les paysages agricoles, notamment en augmentant le soutien à une agriculture respectueuse des pollinisateurs dans le cadre de la nouvelle Politique Agricole Commune et d’autres instruments d’ici 2030, ainsi que d’explorer la meilleure façon d’aborder la conservation et la restauration des pollinisateurs dans la future réforme. Ces mesures visent également à l’organisation de bonnes pratiques et activités de coordination pour faciliter la conception et l’adoption d’instruments bénéficiant aux pollinisateurs. La mise en place de ces mesures sera soutenue via la mobilisation d’aides et indemnités aux agriculteurs travaillant pour une transition durable, l’application de la lutte intégrée contre les ravageurs (IPM), et la promotion de l’agroforesterie et l’agroécologie. Il est également prévu le développement d’un indicateur sur les pollinisateurs et éventuellement de l’intégrer dans le cadre de suivi et d’évaluation des performances de la nouvelle PAC.
Karin Nienstedt (DG SANTE) a présenté des mesures importantes concernant la protection des pollinisateurs contre les pesticides, pour garantir une mise en place correcte de la lutte intégrée des ravageurs (IPM) et la création d’indicateurs de risques harmonisés.
Concernant les dérogations d’urgence en matière d’utilisation des pesticides interdits, la DG SANTE a mentionné qu’un document d’orientation sur le sujet est en cours d’examen et inclu des précisions supplémentaires notamment sur la justification de l’autorisation. Ce récent arrêté de justice (C-162/21), en établissant que la santé humaine et animale doit avoir la priorité sur l’augmentation de la production végétale, est juridiquement plus contraignant et limite les cas d’autorisation d’urgence. Pour cela, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a été chargée par la Commission européenne d’élaborer des protocoles spécifiques pour évaluer les justifications des États membres. Ces protocoles devraient probablement être livrés cette année.
Faire progresser les connaissances et l’évaluation des risques environnementaux pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs.
Lors de cette séance animée par Noa Simón Delso (BeeLife), David Roy a présenté le projet SPRING coordonné par CEH (Center for Ecology & Hydrology, UK). Pour comprendre le comportement des pollinisateurs suite aux modifications de l’environnement, 27 états membres ont travaillé sur l’évaluation de la diversité des pollinisateurs sur le territoire européen. Le projet a notamment observé l’évolution de populations de papillons (Butterfly Conservation Europe) et le déclin de ces espèces en fonction du temps. Des données, des ressources et des articles issus de ce travail conséquent ont été centralisé sur le site Pollinator Academy (https://pollinatoracademy.eu).
Ensuite, Giovanni Formato de l’IZSLT (Italie) a développé les objectifs multiples du projet B-THENET Network, à savoir :
- l’identification des meilleurs pratiques apicoles, la validation et la diffusion de ces pratiques en collaboration avec différents acteurs techniques et scientifiques.
- la mise en place d’une plateforme d’échanges permettant d’explorer plus de 250 aspects liés à une meilleure pratique apicole (bonnes pratiques, biosécurité, législation,…).
- la création de 13 centres pour permettre aux apiculteurs de s’informer, tester et pratiquer.
- l’organisation de meeting, d’évènements et de workshops où l’ensemble de la communauté B-THENET peut échanger et partager.
S’en est suivie une présentation de Jordi Bosch du CREAF (Espagne) concernant l’étude d’effets combinés de pesticides et autres stress sur les abeilles solitaires. Sur base des résultats, l’exposition des abeilles à un fongicide ne modifierait pas la dynamique de population comparé à la dynamique normale en absence d’exposition. Par contre, l’exposition des abeilles à un insecticide entraîne inévitablement le déclin de la population. Ce déclin est amplifié dans le cas d’une exposition à un mélange des deux substances (‘effet cocktail’). Plus encore, les abeilles nourries avec du sirop contaminé par des pesticides présentent une réponse à la lumière et une longévité réduites. Ajoutant à cela d’autres facteurs de stress comme la diminution des ressources, le changement climatique, les parasites et maladies, on ne peut que se demander comment les populations d’abeilles et d’autres pollinisateurs vont évoluer si ces stress perdurent dans le temps.
Concernant l’évaluation des risques sur les abeilles, Csaba Szentes de l’EFSA et Jaana Laitinen de l’ECHA ont brièvement retracé les processus qui ont mené à l’élaboration des différentes ‘guidance’ (EFSA Revised Guidance on the risk assessment of plant protection products on bee ; ECHA guidance for the risk assessment of bees and other arthropod pollinators).
La journée s’est clôturée avec une session portant sur l’impact du changement climatique sur les pollinisateurs.
Après un rappel de ses causes et conséquences sur les espèces végétales et les pollinisateurs, le CONAPI nous a donné un exemple concret de l’impact de ce changement sur les abeilles et la production apicole en Italie avec une modification et réduction de certaines miellées. Le changement climatique peut avoir un effet tant sur la phénologie des plantes que sur la production et la structure des fleurs, mais également sur la quantité et la composition des ressources florales (nectar, pollen) et ainsi impacter fortement les interactions plantes-pollinisateurs.
Les chercheurs soulignent que les prédictions actuelles portant sur l’évolution des répartitions des espèces de pollinisateurs en Europe semblent pessimistes, elles peuvent toutefois rester plus optimistes que la potentielle réalité future. En effet, tous les modèles ne sont produits que sur des données climatiques et ne prennent pas en compte d’autres facteurs de déclin pouvant agir en synergie, à savoir par exemple l’impact des pesticides, la prévalence des pathogènes, l’arrivée de nouveaux prédateurs, l’évolution des ressources florales elles aussi impactées par le changement climatique, etc…
La parole a aussi été donnée aux jeunes apiculteurs et citoyens lors d’une session parallèle réalisée en ligne.
Rédaction : Doriane Alberico, Orianne Rollin.
Sources : https://www.eupollinatorweek.com