Santé des abeilles – Journée scientifique de l’ANSES

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Le 7 décembre dernier, l »ANSES a organisé la 10ème édition de la journée scientifique dédiée à la santé des abeilles et des insectes pollinisateurs. Une occasion renouvelée de rencontre entre scientifiques, apiculteurs et acteurs politiques. Nous avons suivi l’événement à distance.

Poshbee

De gauche à droite: Marie-Pierre Chauzat et Aurélie Babin de l’ANSES

Le projet européen PoshBee est arrivé en phase finale après 5 années de récolte de données. L’heure aujourd’hui est aux premières communications pour valoriser les résultats. Aurélie Babin (ANSES) a présenté un résumé des résultats de l’exposition des abeilles mellifères et sauvages à des agents infectieux et parasitaires communs en Europe. 3 modèles d’abeilles ont été étudiés (abeille mellifère, bourdon terrestre, osmie) sur 128 sites dans 8 pays européens reprenant 4 zones biogéographiques.

Les pollinisateurs ont été exposés à 11 pathogènes communs en Europe.

Les 6 369 données récoltées ont permis de construire le profil en agents pathogènes de chaque espèce sentinelle (sur base du nombre de pathogènes détectés, de la fréquence de détection, des charges en pathogènes et parasites, etc.) et d’observer les changements de ces profils indépendamment du pays et de la culture où les abeilles ont été installées. Chaque pays a été catégorisé selon un indice de risque résumant l’exposition aux agents pathogènes les plus fréquents de chaque espèce d’abeille sentinelle sur chaque site. Les résultats suggèrent l’observation d’une transmission potentielle de certains agents pathogènes entre les abeilles sentinelles, suggérant de faire attention particulièrement lors de l’introduction de pollinisateurs dans des environnements écologiquement sensibles. 

Denis Michez, du Laboratoire de Zoologie de l’Université de Mons, a présenté les impacts sanitaires de stress nutritifs et chimiques sur 4 espèces d’abeilles sentinelles (dont l’abeille mellifère). Le projet a évalué l’impact de régimes polliniques de qualité, variété et quantité différentes, associés à des stress chimiques chronique d’insecticides, de fongicides ou d’herbicides (glyphosate). Les protocoles expérimentaux ont été adaptés aux contraintes écologiques des espèces. La notion de « bonne diète » est relative d’une espèce à l’autre. Les impacts sont spécifiques à chaque espèce mais les effets cumulatifs sont perceptibles plus généralement. Le stress nutritif augmente la sensibilisation des espèces aux pesticides et le stress chimique impacte la prise de nourriture. L’effet des cocktails même à concentration faible a été souligné.

Denis Michez a conclu en présentant le projet Horizon WildPosh qui fait suite à PoshBee en se focalisant sur les abeilles sauvages qui ont un déficit avéré de connaissances.

Epidémiologie

Fayçal Meziani, expert-référent national français dans le domaine de l’apiculture et pathologie apicole pour le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire-direction générale de l’alimentation, a retracé par le menu le traitement de la crise liée à l’introduction du petit coléoptère des ruches dans l’île de la Réunion. Après avoir rappelé le contexte réglementaire, international et français, il a exposé les mesures mises en place pour éradiquer le parasite et a évoqué le mouvement hostile rencontré sur le terrain de la part des apiculteurs soumis à l’interdiction de transhumance pour les miellées de baie rose et letchi.

Tristan Durand, doctorant à l’ANSES et à l’INRAe, a abordé la question complexe de la pathogenèse et du système immunitaire chez l’abeille mellifère. L’abeille mellifère est l’hôte de multiples populations virales et bactériennes, formant un microbiome très varié. Certaines de ces populations sont généralement qualifiées de mutualistes tandis que d’autres sont qualifiées de pathogènes pour l’abeille.

Sa présentation a brillamment résumé les caractéristiques et les différences entre les populations formant le microbiome ainsi que leurs relations au système immunitaire de l’abeille, très complexe.

Toxicologie et contaminants chimiques

Deux communications ont évoqué les contaminants de la cire. La première est de Cyril Videau, écotoxicologue à l’ITSAP. Il rappelle que les cires gaufrées introduites dans les ruches ne sont pas vierges de contaminations (médicaments vétérinaires, produits phytopharmaceutiques, biocides, etc.). Il a dressé un premier état des lieux de la qualité des cires employées par les apiculteurs pro français. Les résultats montrent une différence entre le mode de production, bio ou conventionnel, en faveur du bio.

Claude Saegerman de l’ULIège a, quant à lui, présenté les recherches menées en Belgique pour déterminer et améliorer la qualité de la cire d’abeille. Il a en particulier présenté l’outil Bee Tox Wax basé sur le quotient de risque pour estimer la toxicité d’une cire d’abeille.

Il a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts dans l’évaluation des risques potentiels des contaminants et adultérants de la cire en particulier en mettant en place des essais en conditions réelles de contaminations et adultérations. L’objectif est de fixer des LMR de contaminants adaptés à la santé des abeilles et à la santé humaine. En parallèle, le chercheur souligne l’importance d’optimiser les techniques de stérilisation et de gaufrage de la cire pour une diminution de la charge en contaminants.

Ouverture à la société

Une enquête sur les contextes réglementaire et institutionnel autour du lien agriculture – santé des pollinisateurs a été présenté alors que le travail est arrivé à mi-parcours.

Cette étude sociologique s’appuie à la fois sur une revue des textes réglementaires et documents de politique publique aux niveaux français et européen et sur une enquête menée auprès d’acteurs (institutions, société civile) pour synthétiser les positionnements sur le sujet.

Pour finir cette journée, Léo Mouillard-Lample, auteur d’une thèse interdisciplinaire sur le partage des ressources florales autour de la notion de biens communs dans les Cévennes, est revenu sur des notions telles que l’organisation collective, l’interdépendance des acteurs d’un territoire, les services écosystémiques qui vont au-delà du service de pollinisation, la compétition intra et inter-spécifique.

Alors que le partage des ressources florales est une source de débats entre apiculteurs et naturalistes ou même entre apiculteurs entre eux, le chercheur a pris le partie d’aborder le sujet dans une aire protégée comme le Parc Naturel des Cévennes. Son approche basée sur des enquêtes auprès des acteurs locaux et sur des analyses d’impact des ruchers a l’objectif de mettre en place un outil de mesure de la compétition inter et intra-spécifique tout en réfléchissant collectivement à la question des biens communs et au partage de ses bien communs dans un cas bien concret.

Merci aux organisateurs de cette journée qui permet de prendre le pouls de la recherche et présente les grands sujets de préoccupation du moment.