Ce lundi 26 mai avait lieu le débat de l’assemblée nationale française concernant la loi Duplomb. Nous vous expliquons les tenants et aboutissants de ce sujet tant médiatisé depuis plusieurs mois.

1. La proposition de loi Duplomb, concrètement, c’est quoi ?
Le 1er novembre 2024, Messieurs L. Duplomb, F. Menonville et plusieurs de leurs collègues ont déposé un texte au Sénat. Initialement présenté comme « un projet visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », ce texte est en réalité une proposition de loi composée de 6 articles.
Chaque article décrit des mesures à adopter afin, selon eux, « d‘alléger les contraintes auxquelles font face les agriculteurs » :
Article 1 – Faciliter l’accès aux produits phytopharmaceutiques (PPP) en revenant sur les 3 mesures adoptées dans la loi d’octobre 2018 qui ont pour but de réduire l’usage des PPP en France. Les 3 mesures concernées sont :
* L’interdiction de rabais, remise et ristourne sur la vente de ces produits;
* L’interdiction de cumul des activités de conseil et de vente de ces produits;
* L’obligation de suivre 2 sessions de ‘conseil stratégique phytosanitaire’ en 5 ans pour bénéficier du « certiphyto« .
Article 2 – Lever l’interdiction des produits contenant une substance active appartenant à la famille des néonicotinoïdes, comme l’acétamipride, sous prétexte que les normes françaises sont plus restrictives que les normes européennes. Les néonicotinoïdes ont pourtant fait l’objet d’une interdiction en 2018 suite à la reconnaissance de leur effet néfaste sur les pollinisateurs et la santé humaine.
Article 3 – Simplifier les procédures environnementales liées à la directive des émissions industrielles en matière de bâtiments d’élevage. Cette directive a pour but de privilégier des technologies qui permettent de prévenir et réduire les émissions de polluants des activités industrielles.
Article 4 – Mettre en place des modalités effectives de recours en cas de contestation d’évaluations de pertes de récolte ou de culture. La fiabilité de ces évaluations est actuellement remise en cause parce qu’elles sont réalisées sur base d’images satellites et non sur base d’une enquête de terrain.
Article 5 – Promouvoir les projets de prélèvement et de stockage massif des eaux pour l’irrigation (favorable aux mégabassines). Cet article 5 propose également d’ajuster la définition de « zone humide » afin de lever les freins à l’installation dans ces zones sensibles, ouvrant la voie à leur destruction facilitée. Ces zones sont pourtant considérées comme essentielles à la régulation du climat et à la gestion des inondations et sécheresses.
Article 6 – Encourager les procédures administratives, au détriment des procédures judiciaires actuelles, face à une infraction ayant causé un faible préjudice environnemental.
2. Une proposition de loi préoccupante…
Cette proposition suscite le débat. Si nous saluons l’intention d’aider et de soutenir les agriculteurs pour faire face aux enjeux de production actuels, nous questionnons les réelles débouchées de cette loi qui ne semble pas répondre aux problématiques rencontrées par la majorité des agriculteurs (pérennité, revenu, conditions de travail,…). Au contraire, plusieurs associations, syndicats et représentants avancent le fait qu’elle ne profiterait qu’à une minorité du secteur, essentiellement les agro-industries.
De plus, certaines propositions ont des revers de médaille environnementaux et sanitaires assez controversés. La mesure demandant la réintroduction de l’utilisation de l’acétamipride a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs lettres ouvertes concernant l’impact de sa réintroduction sur les pollinisateurs.

Ces lettres ont été écrites par l’Union nationale de l’apiculture française qui a d’ailleurs relayé un message de la part de BeeLife, le réseau européen regroupant des organisations et syndicats d’apiculteurs et apicultrices engagées pour la défense des pollinisateurs, de l’environnement et d’une agriculture durable. L’ONG « Médecins du monde » a également rédigé une lettre ouverte, démontrant sa préoccupation vis-à-vis de l’impact de ces pesticides sur la santé humaine.
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3. Où en sommes-nous dans le processus législatif ?

> 4 décembre 2024 : Première lecture au Sénat. La Commission des affaires économiques a modifié cette proposition de loi avec des amendements que vous pouvez retrouver sur le site du Sénat.
> 27 janvier 2025 : Séance publique. Cette séance a été organisée pour donner suite à ces modifications. Elle a engendré l’apport de nouveaux amendements dont la liste est également disponible sur le site du Sénat.
> 28 janvier 2025 : Première lecture à l’Assemblée nationale. Après le Sénat, c’est au tour de l’Assemblée nationale de lire et débattre sur le texte. Une fois de plus, la Commission des affaires économiques rédige un rapport, déposé cette fois le 16 mai 2025 pour la prochaine séance publique.
> 26 mai 2025 : Séance publique. À l’issue de cette récente séance, la dernière proposition de texte a finalement été rejetée.
4. Mais ce rejet, que signifie-t-il?
Les amendements cités ci-dessus ont engendré des modifications de la proposition de loi initiale. Ces modifications ont été apportées par plusieurs députés issus de partis politiques différents, ayant chacun leur propre intérêt concernant la thématique (écologistes, centristes, extrême droite,…).
Selon le journal Le Monde, le rejet du texte amendé pourrait être une stratégie utilisée par les partisans du texte initial, pour contourner la mise en place des amendements en demandant l’étude du texte dans une version plus proche de celle originale. En d’autres mots, cela signifie que les ajustements proposés liés aux préoccupations portées par certains députés, ne seront pas forcément pris en compte lors du vote de cette loi.
Le devenir de cette proposition de loi est dorénavant dans les mains de la Commission mixte paritaire dont le rôle est de concilier l’Assemblée et le Sénat autour d’un texte commun. À suivre…