La Nouvelle Loi européenne sur la santé animale est un Règlement européen* qui est entré en vigueur en avril 2021. « Dans le droit de l’Union européenne, un règlement est un acte juridique de l’Union européenne, obligatoire dans tous ses éléments et de portée générale. Il entre en vigueur à la date précisée par le règlement lui-même ou, à défaut, dans les 20 jours suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne sans qu’une mesure de transposition nationale ne soit nécessaire » (Source Wikipedia).
En ce qui concerne l’apiculture et les abeilles, la loi n’est pas encore entrée en application en Belgique et le cabinet du Ministre fédéral David Clarinval, en charge de la Sécurité alimentaire, de l’Agriculture et de la Santé publique, a ouvert le dossier en consultant les vétérinaires et les syndicats agricoles (comme la FWA). Une première réunion organisée par le SPF Santé a eu lieu le 25 avril pour « informer » les représentants des apiculteurs bruxellois, flamands et wallons d’une réforme à venir. De son côté, la FWA a organisé une réunion d’un GT Abeilles le 26 janvier dans laquelle les apiculteurs professionnels étaient invités ainsi que le CARI. Le sujet d’un fonds de santé était à l’ordre du jour. Le 13 mars dernier, le Dr Aline Lecollier, vétérinaire à la FWA, a présenté ce qu’est un fonds sanitaire tandis que le Dr Benjamin Charles a parlé de la mise en place d’un « Réseau Sentinelle des Vétérinaires Apicoles » qui serait financé par ce fonds de santé.
Voici pour le contexte. Il semble qu’il est temps d’informer la totalité des apiculteurs de ce qui se prépare puisque le secteur apicole belge est essentiellement constitué d’apiculteurs de loisir et qu’il apparaît à ce stade que tous les apiculteurs, quelle que soit leur dimension économique, seront impactés par la mise en application du Règlement européen.
Quelles maladies sont concernées en apiculture par la Nouvelle Loi européenne sur la santé animale ?
Les maladies sont reprises dans le Règlement européen avec des catégories répertoriées de A à E avec des niveaux d’exigence variables (voir ci-dessous). Pour l’apiculture, 4 maladies sont répertoriées :
- Aethina tumida (catégories D et E)
- Loque américaine (Paenibacillus larvae) (catégories D et E)
- Tropilaelaps spp. (catégories D et E)
- Varroose (catégories C, D et E)
La Belgique, comme tous les États Membres, est donc dans l’obligation de mettre en œuvre des mesures ad hoc pour les 4 maladies listées. Elle pourrait aller plus loin dans la mise en œuvre d’une politique sanitaire mais sans aucune obligation légale sur le plan européen. Ainsi, la loque européenne, qui n’est pas dans la liste européenne des maladies à surveiller pourrait parfaitement être conservée dans la liste des maladies à déclaration obligatoire par la Belgique au même titre que l’acariose.
Les risques sanitaires pointés par le Règlement européen constituent donc un socle minimal. La France par exemple va plus loin dans sa politique sanitaire.
Qui intervient dans le cadre de l’application de ce Règlement ?
Le Règlement définit le rôle de 3 acteurs principaux dans le cadre de la mise en application de la nouvelle loi :
- Les opérateurs (les apiculteurs dans le cadre apicole) ;
- Les vétérinaires ;
- L’autorité compétente (l’AFSCA en ce qui concerne la Belgique).
Les apiculteurs (les opérateurs) ont un rôle renforcé au niveau sanitaire en tant qu’observateurs de première ligne de l’état de santé de leurs colonies. Selon l’article 24 de la Directive, une obligation de surveillance des colonies leur incombe :
« Afin de détecter la présence de maladies répertoriées et de maladies émergentes, les opérateurs :
- a/observent l’état de santé et le comportement des animaux dont ils ont la responsabilité ;
- b/observent tout changement dans les paramètres habituels de la production des établissements, des animaux ou des produits germinaux dont ils ont la responsabilité, et dont ils pourraient soupçonner qu’il est dû à une maladie répertoriée ou émergente ;
- c/surveillent l’apparition de taux de mortalité anormaux et d’autres signes de maladie grave chez les animaux dont ils ont la responsabilité. » (Article 24 – Surveillance)
La responsabilité officielle des apiculteurs dans la surveillance sanitaire de leurs colonies est donc renforcée.
Il est prévu dans le Règlement européen que les vétérinaires réalisent des visites sanitaires sur demande des apiculteurs et selon les nécessités:
« Les opérateurs veillent à ce que les établissements dont ils ont la responsabilité fassent l’objet de visites sanitaires effectuées par un vétérinaire, lorsque cela est nécessaire, en raison des risques que présente l’établissement concerné… » (Article 25 – Visites sanitaires)
Les vétérinaires offrent donc une expertise aux apiculteurs sans qu’il y ait une obligation définie par le Règlement européen. Ils peuvent par exemple fournir des conseils ou détecter des maladies autant que mettre en œuvre les procédures nécessaires pour établir un diagnostic en cas d’intoxication aiguë ou de pertes massives de colonies. Le rôle des vétérinaires est donc clairement stipulé dans le Règlement et les visites sanitaires qu’ils proposent peuvent être perçues comme un service d’appui pour les apiculteurs lorsqu’ils le jugent nécessaire dans le cadre de leur surveillance sanitaire de première ligne.
L’autorité compétente, l’AFSCA en ce qui concerne la Belgique, est chargée de la surveillance, de la détection des maladies et de la mise en place des mesures sanitaires nécessaires :
« L’autorité compétente mène une surveillance afin de détecter la présence des maladies répertoriées (…) et des maladies émergentes à prendre en considération. » (Article 26 – Obligation de surveillance incombant à l’autorité compétente)
Ajoutons que, pour la Belgique, Sciensano est le Laboratoire national de référence des maladies des abeilles (l’équivalent de l’ANSES pour la France) et est responsable du diagnostic des cinq maladies des abeilles mellifères à déclaration obligatoire définie jusqu’ici et ce jusqu’à la mise en application de la nouvelle loi européenne qui pourrait changer la donne :
- La loque américaine (Paenibacillus larvae) ;
- La loque européenne (Melissococcus plutonius) ;
- L’acarien de la trachée (Acarapis woodi) ;
- L’acarien Tropilaelaps (Tropilaelaps sp.).
- Le petit coléoptère des ruches (Aethina tumida).
Deux de ces maladies sont présentes en Belgique : la loque américaine et la loque européenne.
Une surveillance sanitaire : inspiration française
C’est donc bien une surveillance sanitaire organisée qui est requise par la loi avec un renforcement de la responsabilité des apiculteurs, acteurs de première ligne, et l’ajout officiel d’un service rendu par le réseau des vétérinaires apicoles. Les pays ont la responsabilité de mettre en application la Directive et de financer la surveillance sanitaire.
En France, le suivi sanitaire était déjà bien structuré et a permis d’appuyer l’organisation de la mise en place du Règlement européen, même si c’est passé par un sérieux stade de négociation. Le cadre sanitaire existe. Citons la Fédération Nationale des Organisations Sanitaires Apicoles Départementales (FNOSAD) avec leur Organisation Sanitaire Apicole Départementale (OSAD). Il existe également une Fédération Régionale des Groupements de Défense sanitaire (FRGDS) qui fédère par région les Groupes de défense sanitaire (GDS). Le suivi sanitaire français est donc structuré en fonction de l’organisation administrative du pays. Tout le réseau fonctionne par adhésion volontaire des apiculteurs. Les vétérinaires et les pharmaciens sont impliqués dans ces groupes de travail.
La gestion de la varroose est organisée par département. Les mesures nécessaires pour surveiller et lutter contre varroa sont mises en place et diffusées dans le réseau pour répondre à l’enjeu sanitaire individuel et collectif que cela représente. Des recommandations et des mesures de prophylaxie médicale (médicaments avec AMM) sont proposées aux apiculteurs à l’échelle locale. Un suivi de l’infestation des colonies avec des méthodes spécifiques est organisé.
Concernant le petit coléoptère et Tropilaelaps, ils ne sont pas encore présents en France métropolitaine pas plus qu’en Belgique. Tout apiculteur qui suspecte leur présence dans ses ruches devra en faire immédiatement la déclaration auprès de l’autorité de référence qui confirmera ou non la présence d’un foyer et organisera la lutte et l’indemnisation des colonies touchées en cas de destruction.
Comment financer la mise en place de la nouvelle loi européenne en Belgique ?
En Belgique, l’autorité fédérale souhaite intégrer le secteur apicole dans le « Fonds budgétaire pour la santé et la qualité des animaux et des produits animaux ». Ce fonds de santé « repose sur des principes de cofinancement, de coresponsabilité et de cogestion par les producteurs et finance notamment les interventions dans le cadre de la lutte officielle contre les maladies des animaux » (Loi du 24 mars 1987 relative à la santé des animaux). Il s’agit pour le SPF Santé d’uniformiser l’application de la Directive européenne à tous les secteurs de production. Cela signifie que l’on va demander aux apiculteurs de mettre la main au porte-monnaie pour alimenter le fonds budgétaire, instrument choisi par le fédéral au service de la politique sanitaire globale.
Le fait que le secteur apicole belge soit essentiellement constitué d’apiculteurs de loisir n’est pas entendu par bon nombre d’interlocuteurs dans ce dossier. Comme souvent, l’apiculture est ici comparée à l’élevage ovin, porcin, bovin, etc. Ces élevages sont, quant à eux, constitués majoritairement d’éleveurs économiques. A ce stade, nous ne connaissons pas les modalités qui seraient appliquées pas plus que la hauteur de la contribution à ce fonds sanitaire. Il apparaît cependant que la solution soit d’ores et déjà privilégiée par l’autorité fédérale.
Quels sont les risques ?
Le risque principal est de voir s’amenuiser la liste des apiculteurs officiellement répertoriés comme relevé dans le SWOT envoyé par le SPF Santé le 20 avril en prévision de la réunion du 25 avril.
Contrairement aux autres élevages, il est bien plus difficile d’identifier les animaux et même de localiser les ruchers. Aucune mesure coercitive n’est envisageable sans dommage. La courbe ascendante des apiculteurs enregistrés à l’AFSCA (obligation légale, rappelons-le) reste fragile. Selon des chiffres cités récemment par la FWA, 200 apiculteurs déclarent plus de 24 ruches. Le dénombrement des colonies organisé par le Service public de Wallonie et son homologue flamand ne rencontre pas l’adhésion générale alors qu’il s’agit de permettre de comptabiliser l’enveloppe européenne attribuée à la Belgique pour le soutien au secteur. Les apiculteurs économiques n’y perçoivent pas d’intérêt bien souvent. C’est dans ce contexte que l’on veut ajouter une contrainte supplémentaire.
Que penser de tout cela ?
Le CARI a bien conscience de l’obligation légale dictée par le Règlement européen posant la nouvelle loi de santé animale. L’organisation d’un réseau sanitaire est souhaitable et nous contribuerons à cette amélioration de notre mieux mais pas dans n’importe quelles conditions. Il est important de signaler l’importance du suivi du secteur pour garantir les compétences de tous les apiculteurs en matière sanitaire (formations, conseils, aide…). Comme le rappelle le Règlement européen, les apiculteurs sont en première ligne de la surveillance de la santé de leurs colonies. Travailler avec certaines sections apicoles bien réparties sur le territoire pourrait être à la fois une porte d’entrée vers les apiculteurs de loisir et un bon moyen de responsabiliser les sections les plus dynamiques. La FWA se présente aujourd’hui comme le syndicat portant la parole des apiculteurs professionnels (sic) et adhère à la position du SPF souhaitant imposer un fonds de santé. En ce qui nous concerne, nous continuons à penser qu’il est nécessaire d’impliquer tous les apiculteurs dans la construction du réseau de santé en partenariat avec les vétérinaires apicoles et l’autorité compétente. Sans cela, la politique sanitaire risque d’être contre-productive. Il est important d’assurer l’adhésion du plus grand nombre.
En conclusion, un réseau de surveillance sanitaire a pour vocation de maîtriser les maladies et d’assurer une bonne gestion sanitaire dans les ruchers pour améliorer la santé des colonies. Le CARI est favorable à cela. C’est l’objet de nouvelle loi santé européenne. Un fonds sanitaire est un moyen de faire financer le réseau de surveillance sanitaire par le secteur. Nous doutons très fort de la pertinence de la charge administrative et du coût-bénéfice financier dans le contexte apicole belge. Le CARI reste toutefois à la disposition des différents acteurs pour discuter d’une solution adaptée à la réalité du monde apicole en Belgique.
Références:
*Règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale