Les pollinisateurs et le secteur agricole abordés au Congrès Beecome de Quimper

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A l’occasion du congrès Beecome organisé à Quimper, le sujet de la pollinisation et de la biodiversité a été traité par différents intervenants. Dans un premier temps, Paul Bonnaffe (apiculteur) a pris la parole pour témoigner de son expérience professionnelle concernant le service de pollinisation. Ensuite, Amélie Bajolet (présidente du Label Bee Friendly) nous a présenté ce qu’elle mettait en place pour agir en faveur des pollinisateur grâce au secteur agricole. Dans la même idée, Fabien Balaguer (Directeur de l’Association Française d’Agroforesterie (AFAF)) nous a présenté les grands principes de l’agroforesterie.

La pollinisation, un service capital rendu par les pollinisateurs.

Monsieur Paul Bonnaffe travaille dans le domaine de la pollinisation et illustre par ses activités l’importance capitale des abeilles pour la reproduction d’un grand nombre de plantes à fleurs de nos régions. En effet la pollinisation engendre un fruit de qualité (bonne forme et un nombre important de graines). Dans nos régions, on retrouve environs 80% de pollinisation entomophile, contre 10% d’autopollinisation et 10% de pollinisation anémophile. Selon Paul Bonnaffe, les abeilles sont d’excellentes pollinisatrices pour diverses raisons. Dans un premier temps, elles possèdent des poils situés sur l’intégralité de leur corps qui leur permettent de prélever le pollen et de le transférer d’une fleur vers une autre. Ce pollen une fois prélevé est viable plusieurs heures. C’est le pollen présents sur ces poils qui contribue à la pollinisation et non celui emmagasiné en boule sur leurs pattes arrières. Dans un second temps, les abeilles sont constamment sur les fleurs. Elles se nourrissent en effet exclusivement de nectar, de pollen et d’eau. Enfin, les butineuses sont fidèles à une espèce de plante lors du butinage. Cette fidélité permet une plus grande efficacité de butinage mais aussi une meilleure fécondation de l’espèce dont le pollen n’est pas gaspillé sur les fleurs d’une autre espèce.

En pratique, l’activité professionnelle de Mr Bonnaffe consiste à placer des ruches d’abeilles mellifères sur les exploitations qui nécessitent des pollinisateurs. Il explique qu’il est important de bien communiquer avec le gestionnaire de l’exploitation. Il faut notamment aborder les sujets :

  • de l’emplacement des ruches pour les installer à l’endroit où le gestionnaire constate généralement un manque de pollinisation.
  • de l’itinéraire technique du gestionnaire de l’exploitation pour éviter tout traitement phytosanitaire lorsque les abeilles sont présentes.
  • du fonctionnement général des colonies d’abeilles, pour éviter que l’arboriculteur ne déplace les ruches.
  • de la responsabilité du gestionnaire de l’exploitation en cas de vol de ruches. En effet, une fois les ruches placées sur son terrain, il en est légalement responsable.

Une fois tous ces sujet abordés, un contrat de pollinisation est obtenu.

Le travail pour permettre une bonne pollinisation est conséquent et nécessite une préparation en amont. Le demandeur du service de pollinisation paie la possibilité d’avoir des pollinisateurs à sa disposition durant la période de floraison, ce qui implique une année de travail de la part de l’apiculteur. La valeur de la pollinisation est toujours à considérer en fonction de ce que la ruche pourrait produire si on ne faisait pas de pollinisation (vente d’essaims,….). En effet, l’apiculteur qui fait de la pollinisation doit faire une croix sur ses récoltes de miel.

La préservation des pollinisateurs grâce au secteur agricole : Bee friendly et l’agroforesterie

Au travers de son expérience professionnelle, Paul Bonnaffe démontre l’importance des pollinisateurs et de la pollinisation. Afin de préserver ces pollinisateurs, il faut viser à améliorer la qualité de l’environnement. C’est l’objectif d’Amélie Bajolet et de Fabien Balaguer respectivement au travers de l’association Beefriendly et du développement de l’agroforesterie en France. Ils considèrent tous les deux le secteur agricole comme un levier incontournable pour améliorer la qualité de l’environnement. En effet, le secteur agricole recouvre environ 50% du territoire en France (tout comme en Belgique). Étant donné cette couverture impressionnante, l’association Bee friendly vise également à refaire du lien entre le secteur apicole et le secteur agricole.

L’association Beefriendly

Cette association travaille à l’échelle du territoire et en collaboration avec le secteur agricole. Dans un premier temps, l’association travaille à la sensibilisation du secteur agricole à l’entomofaune pollinisatrice. Environ 99% des agriculteurs et agricultrices estiment qu’ils ne sont pas assez formés pour travailler sur le sujet des pollinisateurs et de la biodiversité. Pourtant, on ne peut faire attention qu’à ce que l’on connait ! Les apiculteurs et apicultrices ont un rôle à jouer selon Amélie Bajolet pour partager leurs connaissances de l’abeille au monde agricole. Pour ce faire, le dialogue est primordial ! Amélie Bajolet revient aussi sur l’importance de ces pollinisateurs durant les périodes de floraison. La période de fécondation des plantes est déjà critique mais cela risque d’empirer à cause du changement climatique. En effet, l’augmentation des températures au moment des floraisons diminue la durée d’attractivité des fleurs pour les abeilles et la viabilité des grains de pollens. Il faudra donc d’avantage de pollinisateurs et de grains de pollen pour maintenir un taux de fécondation correcte. Amélie Bajolet insiste sur l’importance du « potentiel de pollinisateur ». Ce dernier s’enrichit avec l’augmentation de la diversité en pollinisateurs. Il est donc nécessaire de proposer un environnement adapté et de qualité pour l’ensemble des pollinisateurs. Or, générer un environnement de qualité est un travail de longue haleine qui s’effectue toute l’année. C’est à cette tâche que  s’attelle l’association Beefriendly qui propose un accompagnement aux agriculteurs pour les conduire vers une gestion agricole plus favorable pour les pollinisateurs, notamment pour trouver des alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires. Elle est contactée par des agriculteurs qui désirent savoir où ils en sont en terme de pratiques agricoles favorables pour l’entomofaune pollinisatrice. Le but est d’évoluer avec l’agriculteur·trice dans sa progression. Lorsqu’une évolution positive de l’exploitation est constatée, l’obtention du label Beefriendly est envisagée. Le but de ce label est de valoriser un produit issu d’une agriculture favorable pour les pollinisateurs mais il permet également aux agriculteurs et agricultrices de communiquer sur les pratiques mises en place. De plus, le consommateur peut s’y référer pour soutenir le développement de ce type d’agriculture. Fin 2021, on pouvait dénombrer plus de 500 exploitations agricoles engagées dans une démarche Beefriendly en France, ce qui représente une superficie de plus de 10.000 ha. Il est à noter que le label Beefriendly n’est pas systématiquement attribué aux exploitations en BIO. Bien que le secteur du BIO soit bien en avance dans le domaine des pesticides, il est aujourd’hui tout à fait possible d’être en BIO sans pour autant avoir une zone de verdure sur son exploitation.

L’agroforesterie en France

L’agroforesterie est un modèle agricole qui inclut des arbres sur les exploitations. Cela a pour avantage de maximiser la photosynthèse en captant un maximum d’énergie solaire mais également de proposer une certaine ressource pour les abeilles lorsque des essences mellifères sont plantées. Grâce à l’agroforesterie, il est envisageable de reconstruire une offre mellifère successive allant du saule en début de printemps au lierre en fin de saison. In fine, il en découle un plus grand nombre de pollinisateurs et un meilleur service de pollinisation sur les parcelles en agroforesterie. Ce sont les résultats d’une étude scientifique menée en Angleterre en 2020. Ce modèle agricole a pour ambition de reconstruire la mosaïque paysagère, ce qui, en plus d’être bénéfique pour l’entomofaune pollinisatrice, l’est également pour la gestion de l’eau, le captage du carbone et la biodiversité de manière générale (invertébrés, petits mammifères, oiseaux, …). Fabien Balaguer insiste aussi sur l’importance du citoyen dans la promotion d’un environnement favorable aux pollinisateurs. Selon lui, nous sommes tous acteurs du paysage en tant que consommateur : « Cela nous concerne 3 fois par jour car nous dessinons l’agriculture en mangeant ». Il nous présente également l’appel de Quimper qui a pour objectif de faire évoluer le paysage dans ce sens.