Le Dr. Małgorzata Bieńkowska a rappelé à l’occasion de Beecome 2021 la forte corrélation entre génotype et environnement.
La chercheuse polonaise a participé à un protocole expérimental international pour estimer l’importance des interactions génotype-environnement sur la vitalité et les performances des abeilles mellifères et sur les pertes de colonies (Costa, C., Büchler, R., Berg, S., Bienkowska, M., Bouga, M., Bubalo, D., … & Wilde, J. (2012). A Europe-wide experiment for assessing the impact of genotype-environment interactions on the vitality and performance of honey bee colonies: experimental design and trait evaluation. Journal of Apicultural Science, 56(1), 147). Cette expérience à grande échelle a été réalisée entre juillet 2009 et mars 2012. 21 colonies d’abeilles, impliquant 16 origines génétiques différentes d’abeilles mellifères européennes (a.m. carnica, ligustica, macedonica, mellifera, sicula) ont été testées dans 21 sites répartis dans 11 pays. Le protocole d’essai commun à toutes les colonies a pris en compte la survie de la colonie, la population d’abeilles au printemps, en été et en automne, la production de miel, la collecte de pollen, l’essaimage, la douceur, le comportement hygiénique, l’infestation de varroa, la nosémose et l’infection virale. Aucun produit chimique n’a été appliqué dans le cadre de la lutte contre varroa ou d’autres maladies.
Małgorzata Bieńkowska nous rappelle que la santé des colonies d’abeilles ne peut être comprise sans tenir compte de la variabilité génétique des populations d’abeilles mellifères et de leur adaptation aux facteurs environnementaux régionaux, tels que le climat, la végétation et les maladies dominantes.
Autre point, le processus naturel d’adaptation des colonies peut être influencé par le travail de l’apiculteur. Le développement de certaines techniques peut réduire la vitalité de la colonie, c’est-à-dire compromettre réussir son succès adaptatif dans des conditions environnementales données. Au cours des 50 dernières années, la sélection des abeilles mellifères a envisagé plusieurs traits d’intérêt apicole majeur comme la production de miel, la douceur, l’essaimage, etc. On voit aujourd’hui un accroissement de la sélection à la résistance aux maladies en raison de l’efficacité décroissante des produits de lutte contre le varroa, des problèmes de résidus dans les produits de la ruche, de l’augmentation des méthodes de production biologique et de l’image du miel en tant que produit naturel, incompatible avec l’idée de traitements chimiques.
Si le besoin de sélectionner des comportements sanitaires est là et bien compréhensible, il ne doit pas être le seul objectif, au risque de voir un dangereux appauvrissement génétique qui aurait des conséquences non seulement sur le patrimoine naturel mais aussi sur la production apicole.
L’Europe abrite 10 des 27 sous-espèces d’abeilles mellifères existantes. Elles ont été globalement soumises à des pressions intenses du fait des activités humaines telles que les stratégies de sélection et l’utilisation intensive des terres (Meixner, M. D. (2010). A historical review of managed honey bee populations in Europe and the United States and the factors that may affect them. Journal of invertebrate pathology, 103, S80-S95). Les résultats des recherches du groupe de chercheurs unis au sein de EurBeST (European honey Bee breeding and Selection Team) suggèrent que les souches d’abeilles localement adaptées souffrent moins de pertes que les abeilles non indigènes et qu’il est dès lors important de préserver la diversité génétique locale des abeilles mellifères tout en évitant les programmes d’hypersélection.
Les conférences diffusées par le groupe EurBeST en avril 2021 sont désormais en ligne et accessibles dans plusieurs langues dont le français. Il est très intéressant de les visionner pour avoir une idée globale des stratégies de sélection qui se pratiquent au niveau européen. Nous y retrouvons Małgorzata Bieńkowska mais aussi la chercheuse allemande Marina Meixner (Bieneninstitut Kirchhain) qui fait un état de l’art en matière de sélection à la résistance à varroa.
Le chercheur tchèque Marin Kovacic (University of Osijek, Faculty of Agrobiotechnical Sciences Osijek) a présenté une synthèse du travail du groupe EurBeST (très significatif du point de vue statistique) sur les comportements de résistance à varroa incluant les méthodes suivantes:
- le caractère hygiénique (HYG);
- le caractère VSH;
- la suppression de la reproduction des acariens et la réoperculation du couvain (SME et REC).
Les lignées EurBeST testées par les apiculteurs ont permis de ralentir la croissance de la population de varroas par rapport aux autres lignées élevées. L’impact le plus important sur l’infestation par le varroa est le caractère hygiénique (HYG) ce qui démontre, selon Marin Kovacic, sa forte pertinence biologique et les effets d’une sélection à long terme. Les autres méthodes de sélection sont plus récentes et le recul n’est pas suffisant pour pouvoir juger de leur pleine efficacité. Les chercheurs semblent cependant considérer favorablement la pertinence de SME et REC.