
Dans le cadre de la journée internationale de l’environnement, la Pr. Stout a donné une conférence en ligne dont la thématique était : « Pollinisateurs des terres agricoles et pollinisation – Influence de la politique et de la pratique »
Professeur Jane Stout est une experte de renommée internationale dans le domaine des pollinisateurs et de l’écologie de la pollinisation, ainsi qu’une défenseuse de premier plan de la biodiversité. Ses recherches visent à comprendre comment les pratiques de gestion des terres influencent les processus écologiques et les avantages que la nature apporte à l’humain. Elle a commencé sa carrière en étudiant le comportement des abeilles et le processus de sélection des fleurs visitées. Elle a également étudié la pilosité des abeilles, considérée comme le moyen idéal pour récupérer le pollen et assurer la pollinisation des fleurs visitées.
Lorsque le sujet des abeilles est abordé, le grand public se réfère souvent à l’abeille mellifère. Il s’agit effectivement de l’abeille que l’on connaît le mieux, réputée pour sa vie en colonie et sa collecte de miel, stocké dans des alvéoles. Elles ont gagné en popularité auprès du grand public grâce à leur rôle de pollinisateur. Elles sont largement reconnues comme étant d’importants pollinisateurs des cultures agricoles et contribuent au maintien de certaines cultures intégrées dans notre alimentation.
En effet, les abeilles se nourrissent en partie sur les fleurs de nos cultures. Elles collectent le nectar et récupèrent le pollen. Ce dernier étant très riche en nutriments ainsi qu’en graisses, il s’agit de l’aliment idéal pour la croissance des larves d’abeilles. En visitant plusieurs fleurs pour récolter leurs réserves alimentaires, elles réalisent indirectement la pollinisation.
Si toutes les abeilles se nourrissent de pollen et le donnent à leur progéniture, il existe une grande diversité dans la morphologie et le comportement des 20 000 espèces d’abeilles différentes répertoriées dans le monde. La majorité de ces abeilles ne se comportent pas comme l’abeille domestique. Au contraire ! La plupart vivent en solitaire, réalise leur propre nid et leurs larves se développent seules.

Exemple : La plus grande abeille « Wallace’s giant bee », a été découverte par Alfred Russel Wallace. Il l’a surnommée ‘géante’ car la taille des femelles atteint 38 mm, ce qui est, de fait, une grande taille pour un insecte.
Cette abeille dont la morphologie est imposante, possède un mode de vie intéressant car elle s’installe dans les nids des termites arboricoles. Cette abeille récolte la résine du nid des termites pour façonner son propre nid afin d’accueillir ses larves.

Il existe également des abeilles beaucoup plus petites. Près de 500 espèces, connues par le fait qu’elles ne « piquent pas ». Néanmoins, bien qu’elles n’utilisent pas leur dard, elles possèdent tout de même des mâchoires puissantes et peuvent mordre pour se défendre.
La diversité des abeilles en fait donc d’excellentes pollinisatrices. Elles visitent les fleurs de formats divers adaptés à leur propre morphologie afin de faire leur récolte alimentaire. Ainsi, 87,5% des plantes sont pollinisées par des animaux ou bénéficient de la pollinisation réalisée par un animal. Attention, les abeilles ne sont pas les uniques pollinisateurs ! D’autres insectes (tels que les guêpes, papillons, syrphes…), les oiseaux, les chauves-souris, certains mammifères et même certains reptiles contribuent à la pollinisation dans le monde. Dans les régions tempérées, la pollinisation la plus répandue est celle réalisées par les insectes. Mais donc, lorsqu’on parle de pollinisateurs, on parle du groupe d’organismes qui rendent service aux plantes en affectant le principe de pollinisation.
Certains graphiques soulignent la relation entre la diversité des pollinisateurs et le développement des services polliniques. Ainsi, les graphiques ci-dessous illustrent qu’une augmentation de la diversité au sein des pollinisateurs engendre un meilleur taux de pollinisation et/ou une meilleure régulation des ravageurs.

Pour répondre aux besoins d’une grande diversité des pollinisateurs, Pr. Stout souligne l’intérêt de s’intéresser au réseau d’interactions entre les plantes et leurs pollinisateurs. Le graphique ci-dessous représente ces interactions :

Ce format de graphique permet d’analyser la dynamique de ces interactions, de les comparer selon les milieux de vie mais également de déterminer si une espèce semble être le maillon fort du réseau et les conséquences de sa disparition au sein de celui-ci. La compréhension de ce réseau d’interactions et de sa dynamique représente un avancement crucial qui peut guider les actions à mettre en place pour en assurer sa gestion et sa conservation.
En 2025, nous sommes à mi-chemin de la décennie des Nations Unies pour la restauration de la biodiversité. Dans ce contexte, des objectifs ont été fixés et des plans d’actions ainsi que des stratégies nationales et internationales ont été définis. Pour optimiser ces différentes mesures, il est nécessaire selon le Pr. Stout de comprendre la dynamique du réseau d’interactions. Comprendre la réaction de ces différentes espèces face au changement climatique et à l’utilisation des terres permettrait une meilleure appréhension des mesures à mettre en place. La biodiversité est négativement impactée par les activités humaines à travers la destruction d’habitat par plusieurs biais : la pollution, la surexploitation, l’import d’espèces invasives…

En Irlande par exemple, le système agricole a fortement simplifié la végétation afin d’obtenir des prés pour le bétail. L’Irlande est d’ailleurs reconnue comme un pays vert, que le grand public considère comme sain. Cependant, ces grandes étendues vertes sont des milieux pauvres en biodiversité et peu de pollinisateurs y vivent. Leur milieu de vie se concentre dans les haies et autres zones non cultivées qui leur fournissent des ressources nécessaires à leur développement.
(c) Image par Franz P. Sauerteig de Pixabay
La disparition des pollinisateurs a des répercussions socio-économiques considérables et généralisées. Le déclin de la biodiversité s’accentue avec la perte des habitats. Les insectes sauvages n’ont plus de lieu où vivre, l’augmentation des surfaces de culture engendre une diminution des fleurs sauvages ce qui implique une diminution des ressources alimentaires. En plus de ces facteurs, l’apparition de maladies et d’espèces invasives ainsi que l’utilisation de pesticides affaiblit considérablement leur développement. Tout cela s’inscrit également dans un contexte de changement climatique qui provoque d’importantes variations de température, une augmentation de la fréquence et de l’intensité d’épisodes orageux…La situation s’annonce donc compliquée pour les pollinisateurs.
Les leviers qui peuvent enrayer cette crise de biodiversité sont majoritairement des outils politiques et commerciaux. Il existe en effet un cadre mondial pour la biodiversité, adopté fin 2022. Ce cadre inclut des objectifs ciblant la limitation de la perte de biodiversité dans plusieurs locations, la restauration d’écosystèmes dégradés, la réduction d’espèces invasives ou encore la réduction de la pollution.
Un objectif est fixé pour 2030 : renverser ce déclin. Le but est d’assurer une croissance démographique de ces populations actuellement en déclin.
Les États-membres sont donc mandatés pour suivre les populations de pollinisateurs et assurer l’instauration de mesures efficaces. Des actions doivent être mises en place comme l’amélioration et l’élargissement des habitats pour les pollinisateurs, la restauration des écosystèmes dégradés ou encore la réduction de l’utilisation des pesticides.
À l’échelle citoyenne, les actions pour aider la biodiversité comme la création d’habitats diversifiés dans le jardin ou l’attention portée à la consommation et l’origine des produits constituent de réels « coup de pouce » pour la biodiversité.
Si toutes les actions citoyennes sont importantes à mettre en place, leurs impacts ne peuvent perdurer qu’avec l’appui des réglementations et de la politique. Pr. Stout conclut le webinaire par cette affirmation :
« Cette perte de biodiversité n’est pas seulement une question qui intéresse les écologistes ou les environnementalistes. Elle concerne tout le monde et doit absolument être intégrée dans tout ce que l’Homme fait, […] comme une approche de l’ensemble de notre société. »