A la Journée de Namur dimanche 29 janvier, une table ronde a réuni les représentants des apiculteurs et des vétérinaires autour du projet de guidance vétérinaire qui a été négocié en Belgique pour améliorer l’accessibilité aux médicaments vétérinaires dans le contexte légal imposé.
Qu’est-ce que la guidance vétérinaire ?
La guidance vétérinaire est un système qui a été mis au point pour améliorer l’accès aux médicaments vétérinaires. Cela relève d’un contrat volontaire de l’apiculteur passé avec un vétérinaire agréé pour l’apiculture. Le vétérinaire peut utiliser des produits agréés ou utiliser le système de la cascade. Un réseau de vétérinaires sera ainsi construit pour superviser les achats de médicaments au bénéfice d’un groupement d’apiculteurs. Le but est de réduire les coûts des médicaments.
Les intervenants ont donné chacun leur position concernant la situation actuelle en matière d’accès aux médicaments vétérinaires et l’intérêt présenté par le projet de guidance vétérinaire.
Les vétérinaires étaient représentés par les docteurs Tanguy Morcotty et Monica Stilman-Ledoux, tous deux vétérinaires et apiculteurs. Les apiculteurs étaient représentés par François Bryon (Président de la FRUPAH, fédération du Hainaut), Jean-Luc Strebelle (Président de l’UFAWB), André Bisoffi (Vice-Président de l’URRW), Eliane Keppens (Présidente de la FAB, Fédération belge d’apiculture), Jean Haquin (Vice-Président de la FAPN, fédération de Namur) et Maximilien de Naeve (représentant de la FABW, fédération du Brabant-Wallon).
Tanguy Marcotty a tenu bon de rappeler d’emblée le fait que les vétérinaires ont conscience que la filière apicole a peu de moyens financiers. Cette guidance vétérinaire a pour objectif de réduire les frais en autorisant les apiculteurs à utiliser un certain nombre de produits sous la supervision d’un vétérinaire. Il rappelle brièvement le contexte légal belge en la matière : les produits vétérinaires doivent être accompagnés d’un document d’administration et de fourniture (DAF) ou soumis à une prescription vétérinaire, y compris les acides. Grâce au système de la guidance, les vétérinaires espèrent que l’usage de produits de traitement maison régressera drastiquement.
André Bisoffi répond que les préparations maison s’expliquent par les difficultés éprouvées par les apiculteurs à obtenir des médicaments. Il accepte la proposition de guidance au nom de l’URRW.
Maximilien de Naeve se positionne aussi en faveur de la guidance vétérinaire dans l’espoir que cette procédure puisse régler les problèmes actuels d’accès aux médicaments. Il s’interroge sur la nécessité de faire appel à des vétérinaires-apiculteurs plutôt qu’à de simples vétérinaires ainsi que sur le nombre de vétérinaires agréés. Il pense qu’un cadre légal est un moindre mal.
Eliane Keppens rappelle qu’il existe aussi des luttes biotechniques de lutte contre varroa, méthodes bien souvent appréciées et utilisées par les apiculteurs conscients que les produits chimiques peuvent avoir une rémanence dans les graisses. Elle rappelle que le SPF a pris contact avec la FAB pour l’établissement du contrat de guidance en français et néerlandais. Ce document sera officialisé par un Arrêté royal. La guidance vétérinaire aura un caractère volontaire et ne sera pas contraignante. Les apiculteurs qui en accepteront le principe négocieront un contrat avec un vétérinaire agréé pour l’apiculture et seront soumis à une visite de rucher sur 4 ans et à une info cession correspondant à une consultation vétérinaire tous les 6 mois pour renouveler l’accès aux médicaments.
Jean-Luc Strebelle insiste sur le fait que les apiculteurs peuvent se regrouper pour participer aux infos cessions vétérinaires, ce qui peut être une manière de redonner du sens aux différentes sections.
Tanguy Marcotty précise que tout vétérinaire en Belgique a le droit de prescrire des acaricides pour les abeilles, y compris un vétérinaire qui n’a aucune connaissance apicole. Cela peut se faire par le système de la cascade. Par contre, dans le cadre du système de guidance vétérinaire, seuls les vétérinaires agréés peuvent être contactés. Une liste sera publiée lorsque le système sera officiellement mis en place. Il devrait y en avoir assez pour couvrir tous les besoins des apiculteurs wallons et bruxellois puisque les infos cessions ne sont prévues que deux fois par an. Naturellement, seuls les apiculteurs enregistrés à l’AFSCA, obligation d’enregistrement légale, peuvent bénéficier de la guidance.
Pour Jean-Luc Strebelle, le système de guidance ne change rien à l’exception d’une réduction des coûts parce qu’on s’organise collectivement. Comme c’est une démarche basée sur le volontariat, cela facilite la vie de ceux qui veulent être dans la légalité.
Pour François Bryon, il est nécessaire de se montrer de plus en plus propres et irréprochables. Il peut y avoir très vite un impact sur l’opinion publique. Un meilleur encadrement permet de meilleures pratiques.
Pour Jean Haquin, il est important d’être épaulé par des spécialistes. Il faut toutefois espérer que ce ne sera pas trop lourd administrativement et que les apiculteurs adhèreront à ce système.
Selon Monica Stilman, il faut se garantir d’utiliser les médicaments de manière correcte, un usage approprié empêchant l’apparition des résistances. Le système de la guidance ne doit pas être perçu de manière conflictuelle mais comme une collaboration entre apiculteurs et vétérinaires face à un impératif légal. En outre, il est bon de faire baisser le coût des médicaments.
Tanguy Marcotty rappelle qu’un vétérinaire n’a pas le droit de prescrire sans avoir effectué un diagnostic. C’est une obligation légale et déontologique du vétérinaire. C’est un contrat qui est passé entre l’apiculteur et le vétérinaire. Si l’apiculteur n’assiste pas aux infos cessions, il y a rupture de contrat. Ce système est comparable à ce qui se passe dans le reste du secteur agricole. L’agriculteur fait appel régulièrement à un vétérinaire pour obtenir son DAF grâce auquel il peut conserver à la ferme des médicaments prescrits qu’il n’utilisera que s’il en a besoin. Le DAF est délivré deux fois par an puisqu’il est valable 6 mois. Selon la loi, les éleveurs ne peuvent pas garder des médicaments plus de 6 mois. Dans le cadre de la guidance vétérinaire, le DAF sera remis aux apiculteurs lors des infos cessions qui auront lieu tous les 6 mois. Par contre, la visite des ruches sera prévue une fois tous les 4 ans seulement.
En pratique, la guidance vétérinaire c’est :
– Un document d’administration et de fourniture (DAF)
remis deux fois par ans aux apiculteurs lors des infos cessions.
– Une visite de ruche tous les 4 ans.
Pour Jean-Luc Strebelle, il peut y avoir deux niveaux d’organisation compatibles. Les infos cessions peuvent avoir lieu soit chez le vétérinaire avec le groupe d’apiculteurs qui se déplace, soit dans une section apicole.
Les apiculteurs présents dans la salle soumettent à leur tour une série de questions.
Les apiculteurs s’interrogent sur la mise à jour des connaissances des vétérinaires agréés, sur leur expérience apicole, sur leurs sources d’information.
Pour les vétérinaires, mettre à jour ses connaissances fait partie intégrante du métier. C’est une exigence de l’ordre des vétérinaires. Dans le cadre de ces formations continues obligatoires, des formations spécifiques portant sur des matières apicoles sont prévues. Suite à ces formations, la liste des vétérinaires agréés pour la guidance vétérinaire est mise à jour.
Les visites de ruches servent plus à constater que les apiculteurs respectent les bonnes pratiques apicoles qu’à détecter la présence de varroas dans les colonies. C’est une simple évaluation faite dans le cadre du contrat passé entre apiculteurs et vétérinaire. Contrairement aux visites réalisées par l’AFSCA, il ne s’agit pas ici de contrôler. Il n’y a pas de passerelles entre vétérinaires et AFSCA. Naturellement, si des cas de loques américaines étaient détectés, il serait nécessaire de les déclarer à l’AFSCA puisque c’est une maladie à déclaration obligatoire. Ceci dit, les vétérinaires soutiennent la politique de l’AFSCA.
La liste des vétérinaires agréés est obsolète et doit être mise à jour sur le site de l’ordre des vétérinaires et sur celui de l’union professionnelle.
Concernant la question des prix, la tarification sera libre. Elle se négocie entre apiculteurs et vétérinaires au moment de la signature du contrat de guidance. Tanguy Marcotty avance la somme de 100 euros par visite de ruchers tous les 4 ans et 1OO euros de l’heure pour les infos cessions à diviser entre les différents participants. Ce chiffre est cependant purement indicatif et peut varier en fonction du vétérinaire.
Une question est posée à propos d’une aide au repeuplement des ruchers. En France, il existe un fond sanitaire de repeuplement du cheptel. Pour Etienne Bruneau, le système français s’apparente à une assurance que l’apiculteur doit souscrire. Est-ce le système le plus approprié dans le cadre de risques récurrents comme la pertes des colonies ? Cela signifie forcément une somme importante à verser au fond sanitaire pour bénéficier d’un remboursement partiel des pertes qui est complété, en France, d’aides versées par le secteur agricole. La situation est bien différente en Belgique. L’idée de financer des ruchettes dans le cadre du Programme miel pour aider au repeuplement du cheptel est une solution qui a déjà porté ses fruits et qu’il est possible de réitérer. François Bryon évoque aussi l’aide régionale des « Ruchers tampons ».
Pour clôturer la table ronde, les vétérinaires rappellent qu’ils n’ont pas la prétention de connaître l’apiculture mieux que les apiculteurs mais qu’ils ont des connaissances relatives aux traitements à mettre au service des apiculteurs dans l’intérêt de la santé publique.
Chacun reprend la parole pour le mot de la fin: