
La Loi Duplomb est une loi dont le cheminement législatif a été fortement médiatisé ces derniers mois. Elle fut finalement adoptée le 8 juillet 2025. Mais ça ne s’était pas arrêté là. Comme expliqué dans notre dernier article concernant la loi Duplomb, l’adoption de cette loi avait soulevé des contestations qui ont mené certains députés à saisir le Conseil Constitutionnel. Cet article résume brièvement les contestations des demandeurs et les réponses apportées par le Conseil.
1. Contextualisation du recours
Les demandeurs de ce recours au Conseil Constitutionnel contestaient la procédure d’adoption de la loi ainsi que celle du 1° du paragraphe I de son article 6 et de ses articles 7 et 8. Ils contestaient également la conformité à la Constitution de certaines dispositions des articles 1er, 2, 3 et 5 en ciblant la méconnaissance de différents principes constitutionnels.
2. Résumé des contestations et réponses du Conseil Constitutionnel
2.1. Contestations concernant la procédure d’adoption de la loi et d’introduction des article 6, 7 et 8 :
- La procédure d’adoption de la loi :
Les demandeurs remettaient notamment en cause le but et la justification de la motion de rejet. Le Conseil statue que la loi a pourtant bel et bien été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.
- Les procédures d’introduction des articles 6, 7 et 8 concernant l’Office français de la biodiversité, ciblant l’introduction d’un macro-organisme utilisé dans le cadre de la lutte autocide et prévenant le développement de vignes non cultivées :
Les demandeurs soutenaient que les procédures d’introduction de ces dispositions n’étaient pas conformes car elles ont été introduites tardivement.
Or, les dispositions des articles 6 et 7 ayant un lien (direct ou indirect) avec les articles 1 et 2 de la loi, le Conseil statue que ces procédures sont conformes à la Constitution.
A contrario, les dispositions de l’articles 8 n’ont aucun lien (direct ou indirect) avec les articles 1 et 2 de la loi. Par conséquent, le Conseil constate qu’il a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution et donc non conforme.
2.2. Contestations concernant la conformité des dispositions des articles 1er, 2, 3 et 5 :
- Les dispositions de l’article 1er ciblant le conseil et la vente des produits phytopharmaceutiques :
Les demandeurs avançaient les contestations selon lesquelles les dispositions prises ne prenaient pas en compte l’article 1er de la Charte de l’environnement, ni le principe de non-régression de l’environnement tout comme le principe d’égalité devant la loi.
Le Conseil statue, avec justifications, que les dispositions prennent en compte les principes cités ainsi que la Charte de l’environnement. Par conséquent, les dispositions prises sont conformes à la Constitution.
- Les dispositions de l’article 2 à propos de l’utilisation de l’acétamipride :
Les demandeurs reprochent à ces dispositions le manque d’encadrement de la dérogation de l’utilisation de cette substance. En premier lieu, ils soulignent les risques environnementaux et sanitaires liés à son utilisation. En second lieu, ils soulignent le manque de limites concernant les filières ciblées par cette dérogation, autorisant cette dérogation pour toutes les filières et non uniquement celles présentant une menace particulière. De plus, les dispositions prises n’imposent pas une période déterminée pour la durée de la dérogation. Finalement, ils soulignent le manque de cadre concernant le type d’usage et de traitement, autorisant la pulvérisation malgré les risques élevés de dispersion de ces substances.
Face aux points relevés, le Conseil statue que ces dispositions sont contraires à la Constitution, ne garantissant pas le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé comme le dicte la Charte de l’environnement.
- Les dispositions de l’article 3 vis-à-vis des modalités de consultation du public sur certains projets destinés à l’élevage et leur soumission à une autorisation environnementale :
D’un côté, les demandeurs contestaient le remplacement des réunions publiques par une permanence organisée. De l’autre côté, les demandeurs soutenaient une méconnaissance du principe de non-régression en matière environnementale en réduisant les normes environnementales.
Or, selon le Conseil, la participation du public est conservée. De plus, le Conseil considère ces dispositions comme respectueuses du principe de non-régression environnementale étant donné que ce principe ne s’oppose légalement pas au relèvement des seuils des normes environnementales ciblant les élevages bovins, porcins et avicoles. Par conclusion, le Conseil statue ces dispositions comme conformes à la Constitution.
- Les dispositions de l’article 5 concernant les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux :
Les demandeurs ont fait valoir le fait que les ouvrages et les prélèvements n’ont pas été définis de manière suffisamment précise et que ces dispositions en autoriseraient un usage trop large et systématique.
Deux réserves sont émises par le Conseil :
« […] si les dispositions contestées s’appliquent à des prélèvements sur les eaux souterraines, elles ne sauraient, sans méconnaître le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, être interprétées comme permettant la réalisation de tels prélèvements au sein de nappes inertielles. »
« En outre, sauf à méconnaître ces mêmes exigences, les présomptions instituées par ces dispositions ne sauraient être regardées comme revêtant un caractère irréfragable faisant obstacle à la contestation de l’intérêt général majeur ou de la raison impérative d’intérêt général majeur du projet d’ouvrage concerné. »
Cela signifie que, même si la loi semble autoriser les prélèvements d’eau souterraine, cette autorisation ne s’applique pas aux nappes souterraines peu ou très lentement renouvelées (afin de garantir le respect de la protection de l’environnement). Ensuite, les dispositions prises ne peuvent pas priver le public de la possibilité de remettre en cause l’intérêt général d’un tel projet.
Sous réserve de ces deux interprétations, le Conseil statue les dispositions comme conformes à la Constitution. En d’autres mots, ces dispositions sont conformes, si et seulement si, l’interprétation guidée est respectée.
3. Conclusion et perspectives
Le Conseil Constitutionnel a donc répondu aux contestations des demandeurs et a censuré l’utilisation de l’acétamipride ainsi que les dispositions concernant la prévention du développement de vignes non cultivées.
En émettant deux réserves, l’article 5 concernant les ouvrages de stockage d’eau et de prélèvements a été considéré comme conforme à la Constitution. Ces deux réserves permettent de poser des limites environnementales nécessaires à la conservation du respect de la protection de l’environnement.
Tous les autres articles ont été considérés comme conformes et seront donc mis en place dans les prochains mois.
La décision du Conseil constitutionnel pose donc désormais un cadre juridique précis. Reste à observer comment ce cadre sera appliqué, interprété, et s’il répondra aux enjeux soulevés, notamment pour les filières agricoles et apicoles mais également pour le grand public.
Le rapport de la décision du Conseil Constitutionnel est disponible en ligne.
(c) Source image : Logo du Conseil Constitutionnel