Mortalités hivernales sous la loupe de l’enquête COLOSS 2023 Belgique

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Comme chaque année, l’enquête COLOSS nous apporte de précieuses informations sur les mortalités hivernales et sur les pratiques apicoles.  Cette enquête est réalisée à la sortie de l’hiver à l’aide d’un questionnaire diffusé au secteur apicole par les différents partenaires : FAB-BBF (Fédération Apicole Belge), KONVIB (Koninklijke Vlaamse Imkersbond), CARI, Honeybee Valley. Cette année nous avons reçu une centaine de réponses en plus par rapport à 2022 suite notamment à une relance individuelle par email du côté wallon. Sur les 932 réponses reçues, 764 ont pu être validées renseignant l’état de 764 ruchers répartis sur l’ensemble de la Belgique (Figure 1). 

Figure 1 – Localisation des ruchers repris dans l’enquête COLOSS.

Le calcul de la mortalité hivernale a été réalisé en se basant sur le nombre de colonies vivantes déclarées avant et après l’hiver. Au total, plus de 5727 colonies ont été déclarées vivantes à la sortie de l’hiver sur les 6898 colonies renseignées avant l’hivernage, soit une mortalité moyenne de 17% (IC : 15.5-18.6%). Cette mortalité est légèrement plus faible à celle observée à la sortie de l’hiver 2022 : 20.9% (19.0-22.9%) et est comparable à celles observées en 2020 : 17.5% (15.7-19.4%) et 2021 : 16.4% (14.9-18.0%).  Toutefois, nous observons cette année une mortalité clairement plus élevée en Flandre: 22.1% (19.4-25.5%) qu’en Wallonie : 14% (12.3-15.9%) avec des différences marquées suivant la localisation. Comme l’année passée, les mortalités les plus élevées ont été signalées dans la région de Bruxelles capitale 33.3% (mais avec peu de réponses et une grande incertitude : 17.9-53.4%) et dans les provinces de Flandre-Orientale et Occidentale avec respectivement 27.1% (21.8-33.3%) et 26.4% (19.1-35.2%). Au contraire, les provinces de Luxembourg, Liège, Namur ont les taux de mortalité les plus faibles avec respectivement :  9.2 % (6.6-12.8%), 12.8 % (9.8-16.5%) et 13.1 % (10-16.9%).

Figure 2 – Mortalité observée dans les différentes provinces et la région de Bruxelles capitale à la sortie de l’hiver en 2023. En pointillé rouge, la moyenne nationale. Entre parenthèses : le nombre de réponses reçues.

Pour tenter d’expliquer ces mortalités hivernales, plusieurs facteurs liés à la pratique apicole ont été analysés. Il en ressort notamment un lien significatif entre la mortalité hivernale et l’origine de la cire, mais aussi avec les traitements varroa appliqués. Il est connu que l’origine de la cire peut impacter la santé des colonies par la présence de contaminants de diverses natures. Sur base des données recueillies, il est estimé que l’utilisation de ses propres cires est associée à une réduction de la mortalité des colonies d’environ de 5% par rapport à l’utilisation de cires achetées (Figure 3 a). Toutefois, nous observons une augmentation d’environ 14% des mortalités dans les ruchers utilisant des cadres à bâtisse libre (Figure 3b). Ce résultat interpellant pourrait s’expliquer par d’autres facteurs corrélés à cette pratique.  

Figure 3 – Mortalité observée avec l’achat ou non de cire à l’extérieur (A) ou avec l’utilisation ou non de cadres à bâtisse naturelle (B). En bleu, la moyenne. 

Quant au varroa, l’effet de ce parasite sur la survie des colonies est bien connu et certaines méthodes de lutte apparaissent plus efficaces que d’autres. La plupart des apiculteurs utilisent 4 à 5 traitements ou moyen de lutte pour contrer ce parasite avec en tête de liste :  l’acide oxalique par dégouttement (50.8% des réponses), la création de ruchettes (45.7%), l’acide oxalique par dégouttement en l’absence de couvain (42.4%), le cadre à mâles (41.9%) ou encore l’application d’amitraz en bande (25.3%). L’enquête met en évidence quelques préférences régionales avec une proportion plus grande d’apiculteurs utilisant une méthode biotechnique en Flandre (79%) par rapport à la Wallonie (50%) ou inversement une plus grande proportion d’apiculteurs en Wallonie (42.3%) utilisant des traitements acaricides de synthèse par rapport à la Flandre (13.3%) (Figure 4).

Figure 4 – Pourcentage d’apiculteurs en Flandre et en Wallonie pratiquant le monitoring dans la gestion de varroa (comptages) et utilisant des méthodes biotechniques ou des traitements acaricides  de synthèse (pex : amitraz, fluvalinate,…) ou qualifiés de “naturels” (pex. huiles essentielles) 

Au niveau des traitements, nous détectons à nouveau comme en 2022 un lien significatif entre l’application d’amitraz et la réduction de mortalité. Sans traitement, la mortalité est estimée à 27.5% alors qu’avec l’application d’amitraz la mortalité est estimée à 13.8% (Figure 5). Ceci illustre une nouvelle fois l’importance à accorder dans la gestion de ce parasite afin d’éviter des mortalités hivernales. 

Figure 5 –  Proportion de mortalité hivernale en fonction de l’utilisation ou non d’amitraz. En bleu, la moyenne.
 

A côté du stress occasionné par le varroa, le frelon asiatique est de plus en plus présent sur tout le territoire et poursuit sa progression vers l’est (Figure 6). En 2022, cette espèce invasive a été observée dans plus de 1/3 des ruchers de l’enquête et le plus souvent à partir du mois de juillet.   Les méthodes de protection mises en place sont principalement le piégeage (19% de répondants) et les muselières (9%). 

Figure 6 – Localisation des ruchers avec et sans observations de frelon asiatique.

En conclusion, cette enquête 2023 nous renseigne encore une fois d’une mortalité hivernale élevée dépassant nettement celle observée lors de l’enquête 2019 avec en moyenne 10.8% de mortalité (9.7-11.9%). Plusieurs liens aggravant cette mortalité ressortent et soulignent l’importance à accorder à l’origine des cires et la gestion du varroa.  

Nous remercions vivement tous les apiculteurs ayant participé à cette enquête et nous vous donnons rendez-vous à la sortie de l’hiver pour l’enquête 2024.   

Louis HAUTIER et Gilles SAN MARTIN – CRA-W – https://gillessanmartin.github.io/misc/COLOSS_dashboard_2022_2023_fr.html


Sources

Agrebi NE, Svečnjak L, Horvatinec J, et al (2021) Adulteration of beeswax: A first nationwide survey from Belgium. PLOS ONE 16:e0252806. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0252806 ; El Agrebi N, Traynor K, Wilmart O, et al (2020) Pesticide and veterinary drug residues in Belgian beeswax: Occurrence, toxicity, and risk to honey bees. Science of The Total Environment 745:141036. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.141036

Intervalle de confiance à 95% (autrement dite une gamme de valeurs plausibles en tenant compte du nombre de réponses et de leur variabilité)

Peck DT, Seeley TD (2019) Mite bombs or robber lures? The roles of drifting and robbing in Varroa destructor transmission from collapsing honey bee colonies to their neighbors. PLoS ONE 14:e0218392. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0218392; Nazzi F, Le Conte Y (2016) Ecology of Varroa destructor, the Major Ectoparasite of the Western Honey Bee, Apis mellifera. Annual Review of Entomology 61:417–432. https://doi.org/10.1146/annurev-ento-010715-023731