Les néonicotinoïdes se comportent comme des perturbateurs endocriniens, en particulier pour les jeunes abeilles et les abeilles d’hiver. C’est ce que démontre une étude récemment publiée dans la revue Nature par des chercheurs canadiens.
Des tests de toxicité orale aiguë et chronique ont été réalisés sur trois espèces de butineurs : des bourdons (Bombus impatiens), des abeilles domestiques (Apis mellifera) et des abeilles coupeuses de feuilles (Megachile rotundata).
Quatre néonicotinoïdes ont été envisagés : l’acétamipride (utilisé pour lutter contre les insectes suceurs dans la production de certains fruits comme les agrumes ou les cerises, de certains légumes comme les choux ou encore dans la culture des plantes ornementales), la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame. Les chercheurs ont analysé les effets des tests sur de jeunes abeilles, récemment émergées. Ils ont également pris en compte non seulement les abeilles mellifères d’été mais aussi les abeilles mellifères d’hiver au printemps.
La particularité de cette étude est qu’elle tient compte de niveaux d’intoxication réalistes tels que les abeilles peuvent en rencontrer, en particulier dans leurs réserves de pollen et de nectar. Autre particularité, les chercheurs ont étendu la période d’évaluation des effets neurologiques des substances au-delà de 10 jours. Ils ont confirmé les premiers effets des intoxications par néonicotinoides, à savoir la paralysie, les tremblements, les toilettes excessives, l’extension des proboscis, la salivation, les vomissements, l’hyperactivité, les mouvements ralentis. D’autres symptômes moins précoces se sont ajoutés : des problèmes neuromusculaires, une hyperactivité périodique, une perte d’orientation ainsi que des problèmes de coordination musculaire. Ce qui différencie les différentes espèces d’abeilles étudiées est essentiellement le temps nécessaire entre la constatation des dysfonctionnements neuromusculaires et la mort des insectes. Les bourdons étaient encore vivants après 14 jours ce qui fait dire aux chercheurs que cela entraine « une sous-estimation de la mortalité dans les études de toxicité aiguë et une surestimation de la survie dans les études de toxicité chronique ». Chez les abeilles mellifères et les abeilles coupeuses de feuilles, la mort est intervenue 10 jours après la constatation des premiers symptômes. D’après les tests, les Megachile rotundata sont de manière générale plus sensibles aux néonicotinoïdes que les abeilles domestiques. Le stade de développement des abeilles mellifères pourrait aussi influencer la sensibilité aux néonicotinoïdes. Les chercheurs émettent l’hypothèse que les périodes de changements hormonaux pourraient sensibiliser les abeilles, typiquement le passage du stade larvaire à l’imago et le passage des abeilles d’hiver (activité réduite) aux premières sorties printanières.
Les chercheurs montrent dans cette étude toute la complexité que peut revêtir l’impact des substances toxiques sur les trois pollinisateurs étudiés. Selon eux, il est nécessaire de prendre en compte des données réalistes dans l’évaluation des risques des néonicotinoides : concentration dans la nourriture stockée, espèce de pollinisateur, type de culture, type d’environnement agricole, période de l’année (il y a plus de concentration au printemps qu’en été), stade du cycle de vie de l’insecte. Il est donc préconisé d’étendre à la fois les critères et la période d’évaluation.