De l’importance des petits nids

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SeeleyLitLunch5-8Thomas Seeley, spécialiste des abeilles et chercheur à la Cornell University, a récemment publié une étude à propos des colonies d’abeilles mellifères qui survivent à l’état sauvage en dépit de varroa destructor. Ces abeilles ne sont pas soumises à des acaricides pour les libérer de la pression du parasite. L’hypothèse formulée par le chercheur américain est que la taille du nid aurait un impact sur l’infestation des colonies. En d’autres termes, plus la ruche aurait une petite taille, moins elle serait infestée par l’acarien.

Les colonies élevées le sont dans des ruches d’un volume allant de 120 à 160 l alors qu’en milieu naturel, les abeilles colonisent des cavités qui ont entre 30 et 60 l c’est-à-dire un volume nettement inférieur aux ruches proposées par l’apiculteur. L’essaimage naturel fréquent lié au petit volume de l’habitat explique une charge moindre en varroas. On évalue à 35% la chute de la population de varroas du simple fait de l’essaimage. 70% des ouvrières partent avec leurs acariens et la rupture de couvain qui s’en suit pénalise le développement de la population de varroas dans le groupe d’abeilles qui a essaimé. Pour prouver cette hypothèse, l’équipe de Seeley a observé deux groupes de colonies. Le groupe 1 était constitué de 12 colonies vivant dans de petites ruches de 42l soumises à aucun traitement acaricide et aucune gestion apicole . Le groupe 2 était constitué de 12 colonies vivant dans de grandes ruches de 168l soumises à une activité apicole classique c’est-à-dire avec des traitements acaricides, une prévention de l’essaimage et des récoltes de miel. L’ensemble a été suivi pendant deux ans.

Les résultats sont les suivants:

Graphique 1

Dynamique de la population d'abeilles adultes de juin 2012 à septembre 2013 En vert : colonies logées dans de petites ruches. En rouge : colonies logées dans de grandes ruches.

Dynamique de la population d’abeilles adultes de juin 2012 à septembre 2013
En vert : colonies logées dans de petites ruches.
En rouge : colonies logées dans de grandes ruches.

Graphique 2

Dynamique de la quantité de couvain de juin 2012 à septembre 2013 En vert : colonies logées dans de petites ruches. En rouge : colonies logées dans de grandes ruches.

Dynamique de la quantité de couvain de juin 2012 à septembre 2013
En vert : colonies logées dans de petites ruches.
En rouge : colonies logées dans de grandes ruches.

Graphique 3

Taux d'infestation des varroas sur les abeilles adultes de Juillet 2012 à Octobre 2013 En vert : colonies logées dans de petites ruches. En rouge : colonies logées dans de grandes ruches.

Taux d’infestation des varroas sur les abeilles adultes de Juillet 2012 à Octobre 2013
En vert : colonies logées dans de petites ruches.
En rouge : colonies logées dans de grandes ruches.

Dans le groupe 2 des colonies vivant dans de grandes ruches, 7 colonies sur 12 ont été atteintes par le virus des ailes déformées.

Une colonie s’est effondrée en septembre 2013 tandis que 9 autres sont mortes entre octobre 2013 et avril 2014.

Au total, 10 ruches sur 12 sont mortes dans le groupe 2.

Dans le groupe 1 des colonies vivant dans les petites ruches, aucune n’a été atteinte par le virus des ailes déformées.

Une colonie est devenue bourdonneuse en septembre 2013 (spermathèque de la reine vide).

3 colonies sont mortes entre octobre 2013 et avril 2014. Ce sont 3 colonies qui ont été marquées par un pic d’infestation de varroas en septembre 2013 (voir graphique 3). Cette infestation est expliquée par le pillage que ces 3 colonies ont subi de la part d’une des grandes colonies en train de s’effondrer. Les colonies étaient dans le même rucher.

Au total, 4 ruches sur 12 sont mortes dans le groupe 2.

Dans le cadre d’une pratique apicole visant à réduire la charge en varroas dans les colonies de production, la division de ces colonies avec le placement en ruchette d’une partie des abeilles et du couvain avec la reine est vivement conseillée. De même, le blocage de ponte, même s’il est artificiel, peut avoir des effets comparables à ceux d’un essaimage.

Naturellement, cette explication impliquant des données environnementales comme la taille du nid n’exclut pas le fait que les colonies vivant à l’état sauvage ont dû développer une résistance génétique à la pression exercée par varroa et les virus.

Références: Loftus, J. C., Smith, M. L., & Seeley, T. D. (2016). How Honey Bee Colonies Survive in the Wild: Testing the Importance of Small Nests and Frequent Swarming. PLOS ONE, 11(3), e0150362.