Vers des marqueurs génétiques pour sélectionner des abeilles résilientes face à varroa

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Les résultats d’un programme de recherche lancé il y a 4 ans a été récemment publié dans la revue Scientific Reports. Le papier est co-signé par des spécialistes européens de plusieurs universités, principalement de l’Université de Gand*. Des colonies ont été testées dans 4 ruchers disposant de souches résistantes au varroa. Ce sont les mâles de l’Université de Wageningen aux Pays-bas (Amsterdam Waterduinen) qui, selon les résultats obtenus, ont développé la meilleure résistance au varroa à partir d’une méthode de sélection naturelle. Ils ont été croisés deux fois avec la colonie de contrôle du rucher de Honeybee Valley à Gand disposant de mâles non résistants. Les chercheurs de l’Université de Gand ont ensuite dressé le phénotype de ces mâles F2. Ils ont mis au point un protocole permettant de séquencer une partie spécifique du génome de l’abeille mellifère (l’exome)**, définissant ainsi avec une précision novatrice l’origine génétique de la résistance à l’acarien. Ces résultats sont prometteurs en ce qu’ils vont offrir des marqueurs moléculaires pour accélérer le travail de sélection de l’abeille jusqu’à parvenir à une résilience des colonies. Selon les chercheurs, « l’échec de la reproduction des acariens dans le phénotype DBR *** joue un rôle sur la dynamique de la population de Varroa destructor et constitue donc un moyen alternatif d’obtenir une résistance à l’acarien en évitant la reproduction massive d’acariens dans le couvain de mâle. En outre, le coût de ce trait pour la colonie est relativement faible comparé au comportement hygiénique où 32,4% des nymphes sont retirées du couvain. » Pour répondre à une préoccupations légitime et majeure, les chercheurs précisent qu’une telle méthode protège la diversité génétique des abeilles mellifères « puisqu’une variation suffisante est possible dans les centaines de millions de paires de bases du reste du génome de l’abeille. »

Sélection et dépistage phénotypique – Source: Scientific Reports 9, Article number: 7794 (2019)

A = Origine des populations d’abeilles mellifères utilisées dans l’étude

Colonies 1 à 4 sélectionnées pour leur résistance à Varroa destructor:

  1. Østlanded Region, Norvège; 
  2. Amsterdam Waterduinen, Pays-Bas; 
  3. Kapellen, Belgique; 
  4. Toulouse, France.

Colonie 5 témoin / non résistante: 

5. Gand, Belgique.

B = Schéma de croisement pour obtenir des colonies hybrides au départ de souches résistantes et non-résistantes

  • allèle associé à la résistance du couvain de mâles (DBR – Drone Brood Resistance) en vert;
  • allèle opposé (non désiré) en bleu.

C = Résultat du dépistage du phénotype DBR dans les différentes populations croisées.

En pourcentage de varroas non reproducteurs. 

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* Bart J. G. Broeckx (Université de Gand), Lina De Smet (Université de Gand), Tjeerd Blacquière (Université de Wageningen), Kevin Maebe (Université de Gand), Mikalaï Khalenkow (Honeybee Valley, Université de Gand), Mario Van Poucke (Université de Gand), Bjorn Dahle (Association des apiculteurs norvégiens), Peter Neumann (Institute of Bee Health, Université de Bern), Kim Bach Nguyen (Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège), Guy Smagghe, Dieter Deforce, Filip Van Nieuwerburgh, Luc Peelman (Université de Gand) et Dirk C. de Graaf (Honeybee Valley, Université de Gand).

* * Exome = partie du génome constituée par les exons, séquences codantes du génome qui contient 26 millions de paires de chromosomes de bases contre 236 millions pour le génome dans son entier. 

*** DBR = Drone Brood Resistance / résistance du couvain de mâles. On sait que Varroa destructor a une préférence marquée pour le couvain de mâles, justifiant le prélèvement d’une partie de ce couvain dans le cadre d’une stratégie de biocontrôle de l’acarien.

GLOSSAIRE

  • ADN= acide désoxyribonucléique. Molécule contenant l’information codé via une combinaison des lettres A, T, C et G (les nucléotides).
  • Allèles= différentes versions d’un même gène permettant le polymorphisme génétique.
  • Cellule diploïde= cellule contenant des chromosomes fonctionnant par paires. Chez Apis mellifera, les femelles sont diploïdes (2n=32).
  • Cellule haploïde= cellule contenant des chromosomes fonctionnant à l’unité. Chez Apis mellifera, les mâles sont haploïdes (n=16).
  • Chromosomes= molécules composées d’ADN et de protéines qui apparaissent dans le noyau de la cellule au moment de sa division. Les mâles haploïdes d’Apis mellifera portent 16 chromosomes distincts, les femelles diploïdes 32.
  • Code génétique = l’enchaînement spécifique des nucléotides.
  • Gènes= segments de molécules d’ADN conditionnant la synthèse d’une ou de plusieurs protéines et transmettant les caractères héréditaires.
  • Génome = matériel génétique codé dans l’ADN.
  • Génotype= ensemble des caractères héréditaires d’un organisme, observables ou non.
  • Nucléotides= constituants élémentaires des acides nucléiques.
  • Paires de bases = bases azotées associées deux à deux par une liaison Hydrogène dans un acide nucléique. Ce sont les blocs qui construisent la double hélice d’ADN.
  • Phénome = l’ensemble de phénotypes
  • Phénotype = l’ensemble des traits observables d’un organisme.
  • Résistance= trait observable grâce auquel un organisme est moins affecté par ce qui devrait lui être nocif.

SOURCE

Honey bee predisposition of resistance to ubiquitous mite infestations – Scientific Reports 9, Article number: 7794 (2019)