Nous n’avons pas encore pris le temps de réagir au reportage de Marion Leclercq et Antoine Cadaux diffusé dans Envoyé Spécial sur France 2 le 6 juin dernier. Le titre racoleur, « Un monde sans abeilles », mettait déjà la puce à l’oreille. S’il est bien un sujet difficile à traiter lorsqu’on est journaliste et qu’on n’y connait pas grand-chose, c’est bien les abeilles. La mission était impossible pour les auteurs du film qui ont choisi de mélanger en 28 minutes des problématiques déjà difficiles à considérer individuellement. Sont juxtaposés tour à tour: la question des pertes de colonies, l’éleveur qui va résoudre ces pertes avec un commerce à grande échelle, l’industrie de l’apiculture aux USA et la pollinisation des amandiers (sujet tarte à la crème), le laboratoire d’analyse américain qui a trouvé l’explication au problème des disparitions d’abeilles et enfin la solution technologique face à la crise annoncée de la pollinisation (des drônes). Visiblement, le film a été précédé d’une enquête bâclée sur Internet et les réseaux sociaux.
L’image de l’apiculture sort elle indemne de cet exercice diffusé sur un grand média à heure de grande écoute ? J’aurais tendance à répondre par la négative. Les apiculteurs semblent des victimes colériques incapables de nuances face à la perte de leurs colonies. L’éleveur va « sauver les abeilles » en commercialisant massivement des reines (italiennes) envoyées par la poste aux quatre coins de l’Europe. Et de toute façon, on aura bientôt plus besoin d’abeilles puisqu’une start-up américaine va bientôt inonder les champs de drônes pollinisateurs. L’avenir est sauf ! Nous nous trouvons de toute évidence face à des journalistes en quête d’audimat, dépassés par le sujet subtil et difficile à vulgariser qu’ils veulent synthétiser. Est-ce d’ailleurs encore du journalisme ? La question peut légitimement être posée face à l’incohérence du traitement des infos, face à l’absence de questions pertinentes qui auraient pu révéler les véritables enjeux. Une question majeure, celle de la biodiversité, est ainsi complètement évincée du reportage. Elle aurait pourtant pu être placée facilement à la fois dans le contexte agricole (les monocultures d’amandiers) et dans le contexte apicole (le commerce massif de reines au mépris de la variété génétique). On cherche des coupables faciles et des réponses à l’emporte-pièce. Une telle programmation dans Envoyé Spécial a hélas de quoi décrédibiliser l’émission. Le Gorafi traite beaucoup mieux le dossier des abeilles ! Pour celles et ceux qui n’ont pas encore vu l’objet du dépit et qui ont 30 minutes à perdre en ce mois de juillet, voici la « chose » sur le site de France Info.