Perte de potentiel de vie des abeilles d’hiver lors des redoux en fin de saison

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Il fait doux ces derniers jours et beaucoup trop doux pour la saison ! On se croirait presque au printemps et les abeilles aussi ! En tant qu’apiculteur·trice, il est donc pertinent et important de s’interroger sur l’impact de ce dérèglement climatique sur nos colonies d’abeilles ! Quel est l’impact de ces températures trop douces ? Est-ce néfaste pour le bon hivernage de nos colonies ? Que faire pour protéger nos colonies ? Pour expliquer et comprendre l’impact de ces dérèglements climatiques, il est important de revenir sur la définition d’une abeille d’hiver.

Objectif: préserver le potentiel de vie des abeilles

Une abeille d’hiver est une abeille à haut potentiel qui a pour unique objectif de passer l’hiver et de relancer la colonie au printemps prochain, lorsque les conditions environnementales indiquent à la colonie la reprise d’une nouvelle saison. Pour ce faire, il faut qu’elle conserve un maximum de son potentiel (corps gras), qu’elle s’épuise un minimum, en attente du printemps suivant. Or, de multiples facteurs rongent ce potentiel de vie. On peut nommer l’impact de la varroase, une ventilation excessive en hiver due à une mauvaise mise en hivernage, une activité de chauffe excessive due à une mauvaise isolation, une activité d’élevage,… Dans un contexte idéal ou les colonies sont hivernées correctement et ou les traitements contre varroas ont permis de réduire drastiquement la population en varroas, il faut donc limiter l’activité d’élevage pour conserver ce potentiel. En effet, une abeille à haut potentiel est avant toute chose une abeille qui n’élève pas, l’élevage des générations futures étant purement et simplement un transfert de potentiel de la génération « n » à la génération d’abeille « n+1 ».

Conditions environnementales interprétées par les abeilles comme un feu vert pour transformer la nourriture en couvain

Lorsque l’on rencontre des températures trop douces pour la saison telles que celles que l’on connait aujourd’hui, conjuguées au fleurissement des couverts végétaux tels que la moutarde ou la phacélie, les abeilles trouvent dans l’environnement des conditions qu’elles interprètent comme un feu vert pour la transformation de la nourriture en couvain. Ces conditions sont la production de nectar, la production de pollen et des températures trop douces. La reine adopte alors une ponte  trop importante pour la saison et les abeilles d’hiver supposées économiser leur potentiel de vie (pour la saison suivante) l’entament pour un élevage tardif. Or, cet élevage ne donnera pas des abeilles d’hiver de qualité étant donné :

  • Que la gelée royale n’est plus aussi qualitative par rapport à la gelée royale de printemps, les ressources environnementales comme le pollen n’étant plus aussi abondantes et diversifiées en fin de saison.
  • Que la formation des abeilles d’hiver véritables doit se faire dans l’abondance d’abeilles au sein de la colonie, lorsque la ponte de la reine diminue et qu’il y a par conséquent une quantité en jeunes abeilles supérieure à la quantité de larve à élever, ce qui permet un élevage de qualité (bons soins) pour aboutir à des abeilles de qualité.
  • Qu’il n’est pas certain que de bonnes conditions d’élevage au sein de la colonie seront maintenues, les abeilles n’étant jamais à l’abri d’une chute de température extérieure brutale en fin de saison. Cette chute de température mettant à mal le bon développement des larves ou encore les abeilles couveuses qui s’épuisent alors à maintenir la température constante au sein de la colonie pour permettre l’élevage.  

Cet élevage tardif mène donc purement et simplement à une perte nette de potentiel de vie de la colonie d’abeilles, potentiel dont la colonie ne disposera plus pour sa relance au véritable printemps.

Leviers d’action des apiculteurs.trices

Pour pallier ça, l’apiculteur·trice peut actionner 2 leviers :

  1. Après avoir resserré ses colonies, il/elle peut nourrir en abondance de manière à bloquer la ponte de la reine ou au moins à réduire fortement la surface de ponte possible. Attention, il est important d’être certain lors de ce nourrissement conséquent d’avoir laissé le temps à ses abeilles d’élever des abeilles d’hiver !
  2. Il/elle peut encager la reine (en cage Menna) pour empêcher la ponte de la reine à partir du moment où l’apiculteur·trice estime qu’une quantité suffisante d’abeille d’hiver a été produite et qu’il faut conserver le potentiel de vie de la colonie. Des test réalisés en France ont démontré qu’un encagement de 70 jours de la reine en cage menna peut être réalisé sans perte de reine. Au désencagement de la reine, l’apiculteur·trice peut en profiter pour traiter contre le varroa (en absence de couvain garantie). Si l’encagement est réalisé vers la mi septembre, la reine peut être libérée fin novembre, période à laquelle il est pertinent de penser que l’on ne connaitra pas dans nos régions des périodes de redoux enclenchant une ponte trop excessive de la reine.
Cage Menna

Il est important que le secteur apicole prenne conscience de ce processus de transfert de potentiel de vie des abeilles. En effet, nous serons de plus en plus confrontés à ce genre de situations liées au dérèglement climatique et pour lesquelles la rectification apicole n’est possible que lorsque ces processus de fonctionnement de la colonie sont compris et assimilés. De plus en plus, le rôle de l’apiculteur·trice consiste à venir rectifier les dérèglements de la colonies liés au changement climatique. Toute une réflexion similaire peut être faite sur la floraison du lierre censée initialement n’apporter que du pollen aux colonies mais qui avec son décalage phénologique fleurit plus tôt dans l’année, lors de températures plus élevées et produit alors également du nectar (qui peut stimuler les colonies).

En ce qui concerne la question des couverts végétaux, il est à noter qu’il sont tout à fait pertinents d’un point de vue agronomique. En effet, ils permettent de limiter les risques d’érosion ainsi que pour certains les risques de lixiviation des Nitrates (Culture intermédiaire piège à nitrates). Depuis la nouvelle PAC, l’agriculteur·trice est tenu·e d’assurer une couverture végétale du sol sur 80% de la superficie totale de terres arables de son exploitation entre le 15 Septembre et le 15 Novembre (aucune destruction avant cette date).