Le journaliste Stéphane Foucart informait les lecteurs du Monde en novembre dernier: « depuis quelques années, de nouvelles techniques d’édition du génome – les NBT (new breeding techniques) ou NGT (new genomic techniques) – permettent d’apporter des modifications présumées plus subtiles que la bonne vieille transgenèse (transfert d’un gène d’intérêt d’une espèce à une autre). Des altérations génétiques si fines qu’elles pourraient, dit-on, se produire naturellement. Elles ne devraient donc pas avoir à subir l’examen tatillon du régulateur pour être autorisées. » Si Emmanuel Macron est enthousiaste à l’idée de porter cette révolution génétique silencieuse, ce n’est pas le cas des ONG et de certains représentants des agriculteurs. Greenpeace mais aussi Nature&Progrès s’opposent à la déréglementation qui ouvrirait la boîte de Pandore. Nature&Progrès lance une pétition soutenue par de nombreuses associations dont le CARI.
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OGM et Union européenne
Chaque décision sur les OGM dans l’UE est très fortement contestée ce qui freine la révision de la réglementation sur les OGM fortement souhaitée par les lobbyistes de l’agro-industrie. Les ONG veillent au grain et le grand public n’est pas facile à convaincre malgré les promesses folles qui lui sont faites concernant les « avantages » des cultures et animaux produits à l’aide de techniques d’édition du génome. La Cour de justice européenne a statué le 25 juillet 2018 et déclaré que les procédures d’édition du génome sont des techniques GM et que ses produits doivent être réglementés en tant que tels. Aujourd’hui, des pressions sont faites pour modifier les réglementations européennes existantes sur les OGM afin de laisser entrer sur le marché intérieur de l’UE de nouvelles plantes et animaux obtenus via des techniques d’édition du génome. Ces pressions sont très discrètes et dangereusement stratégiques. Si leur objectif de déréglementation venait à réussir, ce serait une catastrophe environnementale, éthique et sanitaire puisqu’il n’y aurait plus aucune évaluation de la biosécurité, de la salubrité des aliments ou de la santé de l’environnement. Une déréglementation à ce niveau signifie que les consommateurs perdraient également leur liberté de choix: ces produits ne seraient pas étiquetés. Nature&Progrès analyse précisément les dangers qui seraient encourus.
Des OGM cachés que l’on rend séduisants
Pour faire tomber les dernières barrières et parvenir à leurs fins, les représentants de l’agro-industrie cherchent à convaincre les politiques et le grand public réticents avec un argumentaire soigné qui ferait des « nouveaux OGM » la solution à la faim dans le monde ou à la réduction des pesticides, le moyen de cultiver sans subir les conséquences du changement climatique ou encore la possibilité de produire des super-aliments aux propriétés intéressantes pour la santé humaine. On va même jusqu’à parler « d’agriculture durable et d’innovation ». Nous en avons un exemple ci-dessous à travers le projet de recherche et d’innovation CHIC sur la sélection de chicorée soutenu par le programme de financement européen Horizon 2020 à concurrence de 7,3 millions d’euros.
L’association Corporate Europe Observatory surveille le développement des groupes de pression auprès de l’Union européenne, analyse leur sémantique, décrypte leur tactique et expose largement le résultat de son travail. Pour la chercheuse Nina Holland qui travaille pour Corporate Europe Observatory, « L’Union européenne a clairement inscrit dans ses objectifs la réduction de l’usage des pesticides. Le business model de sociétés comme Bayer et BASF va donc de plus en plus reposer sur la numérisation de l’agriculture et les nouveaux OGM ». La chercheuse est ainsi citée par le quotidien de l’écologie Reporterre.
La technologie CRISPR
Les CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) pour « courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées » sont des familles de séquences qui sont répétées dans l’ADN. En génie génétique, la technique CRISPR–Cas9 est un outil d’édition génomique qui permet de réaliser des modifications ciblées du matériel génétique d’une cellule. On parle de ciseau moléculaire puisque l’on peut éditer le génome en en découpant des parties. Cela n’en reste pas moins une technologie génétique aux conséquences controversées dans le milieu des défenseurs de la nature et de l’environnement.
La protection de l’abeille par le génie génétique
Nature&Progrès cite des cas concrets dans lesquels les généticiens ont ciblé l’abeille mellifère sous couvert de la rendre plus résistante:
« En 2014, des scientifiques allemands ont montré qu’il était possible de modifier génétiquement des colonies entières d’abeilles domestiques. En 2019, un article de recherche a été publié en Corée du Sud sur des abeilles qui avaient été modifiées pour être résistantes aux insecticides. En 2020, une publication a signalé que le sens olfactif des abeilles pouvait être bloqué à l’aide de la technologie CRISPR. » etc. Il y a péril en la demeure.
Merci de signer la pétition pour conserver, au moins au sein de l’Union européenne, un garde fou juridique contre les assauts du génie génétique porté par les intérêts économiques de multi-nationales bien connues.