En 1956, l’entomologiste brésilien Warwick Kerr a croisé des souches d’abeilles africaines Apis mellifera scutellata, parfaitement adaptées au climat tropical, et des souches d’abeilles européennes (Apis mellifera ligustica et Apis mellifera iberiensis), bonnes productrices de miel. Certaines se sont échappées de leur confinement et ont commencé un processus d’hybridation qui touche aujourd’hui le continent sud américain et le sud des Etats-Unis. Ces abeilles sont connues sous le nom d’abeilles africanisées mais les journaux préfèrent généralement l’appellation sensationnaliste d’abeilles tueuses en raison de leur particulière agressivité. Malgré la persistance de certains gènes d’abeilles européennes, d’un point de vue comportemental et morphologique, les abeilles africaines hybrides ressemblent fortement aux abeilles subsahariennes Apis mellifera scutellata.
Dans une récente étude parue dans la revue PlosOne, des chercheurs en écologie, Yoshiaki Kono et Joshua Kohn, ont publié le résultat de leur étude des populations d’abeilles mellifères en Californie. Depuis 1994, les abeilles africanisées ont progressé en Californie, en particulier dans les secteurs limitrophes du Mexique. Elles ont été observées en 2006 dans le comté de Mariposa, près du Yosémite Park, à la même latitude que Washington D.C. De nouvelles populations ont été observées plus récemment à 250 kilomètres au Nord Ouest de cette zone. Les chercheurs n’ont aucun moyen d’affirmer que ce sera leur limite d’expansion maximum au Nord du continent. On disait jusqu’alors qu’elles ne s’adaptent pas à des températures moyennes inférieures à 16°C en hiver mais certaines colonies ont été observées vivant en deçà de cette température moyenne limite. Le dérèglement climatique pourrait expliquer cela et les fluctuations des températures hivernales ont certainement un impact sur l’expansion des abeilles africanisées et en auront probablement un à l’avenir. Les chercheurs ont observé sur le terrain les populations d’abeilles à l’état naturel (celles qui sont élevées par les apiculteurs peuvent être gardées « sous contrôle » via des remérages). Il semble, d’après leurs observations, que des butineuses africanisées vivent au-delà du 35e parallèle nord mais restent toutefois minoritaires à cette latitude. Par contre, dans le comté de San Diego, près de la frontière mexicaine, la plupart des abeilles ouvrières sont hybridées avec plus de 60% de gènes d’abeilles africaines.
Le modèle d’expansion de l’abeille africanisée qui est documenté par les chercheurs dans le comté de San Diego et à d’autres endroits en Californie est similaire à celui du Texas, le premier état des Etats-Unis qui a connu l’expansion de cette abeille hydride particulièrement agressive. Il y a eu une première vague d’hybridation avec une évolution progressive jusqu’à ce que la majorité du génome provienne des abeilles africaines.
L’ambition des chercheurs et des biologistes est de mieux connaître l’abeille africanisée. Comprendre pourquoi elle résiste plutôt mieux à certaines maladies permettraient peut-être d’apporter une solution au déclin des populations d’abeilles mellifères.