Info RTL effectivement très incomplète sur le frelon asiatique

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Entre ce qui est dit aux journalistes et ce qui reste dans le reportage final, il y a souvent une grande différence. Le reportage de RTL dont nous parlions dans notre post précédent laissait penser que Jean-Marie l’apiculteur n’avait rien fait pour protéger ses colonies. Il nous a contacté pour nous expliquer ce qu’il a mis en oeuvre et nous pensons qu’il est correct de préciser cette information pour rectifier cette fausse image découlant du reportage télévisé.

Jean-Marie est un éleveur d’abeilles noires qui n’est pas débutant. Il donne des cours d’apiculture et est éleveur d’abeilles noires. Jean-Marie a également une sensibilité naturaliste et équipe ses ruchers d’hôtels à insectes pour vérifier la présence de certaines espèces sauvages et s’assurer que ses ruches ne nuisent pas aux autres pollinisateurs.

Comme tous les apiculteurs du Hainaut, il est confronté aux attaques de frelons asiatiques dans son rucher depuis le début. Pour rappel, un premier nid de frelons asiatiques a été découvert en 2016 du côté de Tournai et depuis lors, le Hainaut est confronté, tout comme la France, a des attaques massives sur ruchers. Le frelon asiatique est largement implanté dans la province. Les apiculteurs qui ne subissent pas les pressions massives sur rucher ne peuvent imaginer les dégâts imputables aux frelons asiatiques. En France, les apiculteurs qui en ont la possibilité sont souvent amenés à déménager tout simplement leurs colonies pour les sauver. En Belgique, l’apiculture est bien différente et le territoire réduit les possibilités de transhumance de sauveté. Dans le Hainaut, bien des apiculteurs sont découragés devant les pertes massives de colonies. Certains ont déjà jeté l’éponge. Ils ont peur de voir disparaître les abeilles et s’alerte devant le peu de réaction face à ce qu’ils vivent. Ils ne sont pas en mesure d’assumer seuls la destruction des nids de frelons, trop nombreux dans l’environnement. La démarche de Jean-Marie en contactant RTL Info était donc un vrai cri d’alarme, un appel à l’aide face à l’érosion qu’il constate.

Pour répondre aux questions que nous nous posions, Jean-Marie a bien protégé ses ruches dès les premières attaques de frelons. Il a réduit les trous de vol et placé ensuite des muselières de fabrication artisanale sur ses colonies. Bien plus protectrice que les simples réducteurs d’entrée, il a constaté cependant un peu de stress des colonies qui ont dû s’habituer au dispositif. Pour l’année qui arrive, il va probablement tester les muselières Norma avec buses en PVC pour le départ et le retour rapide des butineuses. Jean-Marie a en outre placé des pièges sélectifs en dehors du rucher.

Jean-Marie nous a précisé que ses colonies étaient toutes fortes voire très fortes avec de jeunes reines de 2 ans. Un suivi a été effectué contre la varroase avec deux traitements annuels. Ses colonies n’avaient apparemment aucun problème sanitaire.

Ceci pour dire que dans une situation de bon suivi des colonies, on peut malgré tout se retrouver confronté à des attaques massives et dévastatrices sur rucher. La raison principale dans le cas de Jean-Marie était la présence de quatre gros nids de frelons asiatiques à quelques centaines de mètres du rucher. Un seul nid à proximité d’un rucher est déjà problématique. Un seul nid à proximité d’un rucher et ce sont des attaques importantes, longues, quotidiennes, inévitables. Toute la difficulté est de repérer les nids, ce qui n’est pas mince affaire, même avec de l’aide, lorsqu’ils sont bien dissimulés par les feuilles des arbres dans lesquels ils sont installés.

Photo: Jean-Marie (capture d’écran)

Contrairement aux commentaires envoyés par l’expert de Natagora en réponse aux apiculteurs qui l’ont interpelé, le rucher de Jean-Marie ne se trouve pas dans un environnement pauvre en ressources alimentaires. Son rucher est entouré d’une zone boisée avec de très grands arbres et beaucoup de lierre arborescent, ressource utile pour les abeilles en fin de saison mais aussi site de prédation pour le frelon asiatique qui ne s’y nourrit d’ailleurs pas que d’abeilles mellifères mais aussi de syrphes et de tout ce qui vient sur la plante, y compris la collète du lierre.

Naturellement, dans les circonstances ainsi décrites, les colonies de Jean-Marie ont subi un gros stress et ont immanquablement été affaiblies en fin de saison. D’où les pertes déplorées.

Une fois la chute des feuilles venue, les nids ont été découverts et signalés mais trop tardivement supprimés.

Jean-Marie précise également avoir participé à une campagne de piégeage de printemps en 2022 avec des pièges sélectifs. Une dizaine de fondatrices ont alors été capturées, c’est-à-dire une dizaine de nids évités.

Cette année, Jean-Marie participe à la campagne de piégeage des fondatrices (avec appâts conseillés et pièges sélectifs) encadré par le CRA-W dans le Hainaut. Une manière pour lui de participer à l’effort collectif pour faire avancer la connaissance des solutions dont l’efficacité va pouvoir, nous l’espérons, être garanties.

Cet exemple nous rappelle les mots des apiculteurs français de l’AAVO : « Les 5 doigts de la main font le succès de la lutte »: le piège de type nasse (sélectif), la muselière, la harpe électrique, la jupe de protection interdisant aux frelons de circuler sous les ruches, la barrière à 1 mètre devant les ruches pour gêner les mouvements des frelons et les conduire latéralement dans les harpes. Un ensemble de 5 outils pour un rucher bien protégé qui n’a plus rien du bucolique paysage apicole dont nous avions l’habitude (voir Abeilles&Cie n°212 et le prochain numéro de L’Apiculture en Wallonie). Naturellement, reste la pression des nids sur l’environnement…

Un rucher ultra protégé (Photo: AAVO – https://www.abeilles95.fr)