Deux idées forces peuvent être immédiatement retirées du week-end du CARI sur l’apiculture naturelle. La première idée, qui a une valeur générale, est qu’il faut penser par soi-même et adopter une ligne de conduite de ses colonies en accord avec ses propres valeurs. Bien des formes d’apiculture trouvent un point de convergence dans l’envie et la volonté de respecter au mieux les besoins des abeilles. Un apiculteur est avant tout un amoureux des abeilles qui en témoigne concrètement en adoptant (ou pas) certaines pratiques. La seconde idée est exprimée parfaitement par le mot allemand « Nestduftwärmebindung » mis en exergue par le chercheur Torben Schiffer que nous avons eu la chance de pouvoir longuement écouter durant la journée du dimanche. Si l’on essaie une traduction littérale de ce terme intraduisible en anglais ou en français, on aboutit à quelque chose comme « le nid qui retient chaleur et parfum ». C’est une formule poétique pour exprimer l’ineffable atmosphère qui règne au sein d’une colonie d’abeilles. C’est l’ambiance de la ruche diront certains, une ambiance faite d’odeurs, de chaleur, de vibrations. L’importance de préserver le « Nestduftwärmebindung » pour préserver la santé de la colonie a été théorisé par l’apiculteur Johann Thür dans son ouvrage « Bienenzucht. Naturgerecht einfach und erfolgsicher »en 1946.
La bonne répartition de cette « chaleur parfumée » a toute son importance et l’usage des cadres en apiculture seraient autant de barrières à la répartition du « Nestduftwärmebindung ». L’abbé Warré l’avait bien compris avec sa ruche populaire qui, sans cadres, tente de s’approcher au plus près des conditions de vie des abeilles dans la nature. D’autres intervenants pendant le week-end ont eu l’occasion de partager leur expérience de l’apiculture avec ce modèle de ruche, modèle parfois adapté, dont le volume est le plus proche du volume idéal pour une colonie d’abeilles. Citons les intéressantes interventions d’Olivier Duprez qui enseigne la conduite de la ruche Warré sans cadres au rucher école Villa Le Bosquet en Normandie, de Fabrice de Bellefroid, formateur en apiculture naturelle en Belgique, et de François Godetqui auto-construit ses ruches Warré en intégrant des coins aux angles intérieurs, ce qui rapproche un peu plus le modèle du volume des cavités naturelles et évite les ponts thermiques induits par les angles droits des corps de ruches.
A cette harmonie naturelle au nom imprononçable, on peut ajouter cet autre accord parfait que Torben Schiffer a appelé le « moteur organique des colonies » et qui n’existe plus dans les ruches modernes : les déchets de la colonie et une cohorte d’animaux symbiotiques qui vivent non pas aux dépends des abeilles mais avec elles tout en rendant de nombreux services à la colonie. Cette microfaune oubliée est constituée de plus de 200 espèces, parmi lesquelles 170 arachnides (araignées, acariens et pseudo-scorpions). Non sans humour, le chercheur allemand a lancé en boutade que, dans les ruches modernes, il n’existe plus que trois espèces à cause de l’usage des acaricides: les abeilles, les varroas et les moisissures (sic). Certaines de ses recherches portent sur la réintroduction du pseudo-scorpion dans les ruches dans le cadre de la lutte contre varroa sans aucun intrant.
Comme une illustration de la convergence des actions qui était prégnante durant ce week-end, nous avions invité un apiculteur flamand, Geert Steelant, qui a adapté son apiculture et son matériel pour accueillir dans ses colonies l’acarien terricole Stratiolaelaps scimitus (Hypoaspis miles), largement utilisé en lutte biologique, prédateur de varroa lui-aussi. Ceci n’a pas manqué de capter l’intérêt des apiculteurs qui ont participé au week-end.
Un compte-rendu exhaustif du Week-end Apiculture naturel sera proposé dans le numéro 189 d’Abeilles&Cie. Il y a beaucoup à dire sur ce mouvement qui a le vent en poupe.