Les possibilités de réconcilier agriculteurs et apiculteurs pourraient bien devenir réalité si les négociations en vue de mettre en place la nouvelle PAC sont conduites finement. Lorsqu’on regarde les textes, il n’est fait mention des apiculteurs qu’au niveau du programme de soutien de l’apiculture (seul budget à être augmenté). Il est vrai qu’il ne représentera qu’une goutte d’eau dans le budget global de la PAC (60 millions sur 365 milliards). Pourtant, la Commission a placé l’environnement et le climat dans ses priorités.
La liberté accordée aux états membres va augmenter fortement et ils pourront ainsi établir leurs choix avec beaucoup plus de liberté que dans le passé. Les différentes enveloppes ne seront plus aussi étanches entre le premier et le second pilier (possibilité de transfert de 15 %) et un principe de cohérence globale sera demandé ainsi que des résultats pour les 9 objectifs définis dans les secteurs économiques (assurer un revenu équitable, accroître la compétitivité, rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne alimentaire), sociaux (soutenir le renouvellement de génération, dynamiser les zones rurales et garantir la qualité des denrées alimentaires) et environnementaux (agir contre le changement climatique, protéger l’environnement, préserver les paysages et la biodiversité). Des contrôles seront effectués sur la performance et la réalisation de ces objectifs. Des suspensions de paiements pourront être mises en place en cas de sous-performance importante ce qui ne devrait pas être le cas chez nous car nos exigences de production sont au-delà des critères assez laxistes proposés par la Commission. Au niveau européen, si les objectifs des deux premiers volets sont atteints, les objectifs du troisième (environnement) sont dans le rouge et feront dès lors l’objet d’une attention plus soutenue. Des indicateurs plus ciblés pourront y être développés. La constitution d’une réserve financière allant jusqu’à 5 % de la dotation au titre du développement rural sera là pour récompenser les Etats membres qui remplissent leurs objectifs en matière de climat, d’environnement et de biodiversité.
C’est surtout au niveau du second pilier que nous pouvons agir pour améliorer les relations agriculteurs – apiculteurs et tenter de lutter contre le déclin des pollinisateurs. Un récent travail de la Direction générale de l’environnement relate une situation alarmante (90% des 66.000 réponses). Il propose une série de pistes pour lutter contre le déclin des pollinisateurs en indiquant ce qu’il serait possible de faire dans le cadre de la PAC (maintien des ressources mellifères et indicateurs de pollinisation) et ailleurs. Enfin, il analyse quels sont les acteurs que l’on peut impliquer dans des stratégies en faveur des pollinisateurs. Tout cela s’inscrit dans une politique à long terme (2030) avec des actions possibles dès 2020.
La semaine de l’abeille nous a permis de voir un peu plus clair dans les positions de la Commission européenne. A cette occasion, le Commissaire Karmenu Vella en charge de l’Environnement s’est exprimé en ces termes : « l’agriculture intensive et les pesticides sont des facteurs de stress pour les pollinisateurs ». Son collègue à l’Agriculture et développement rural, Phil Hogan a signalé entre autres que la future PAC portera une attention accrue à l’environnement et au climat en favorisant la transition vers un secteur agricole plus durable (soutien des modèles agricoles non-intensifs). C’est Stefan Leiner, chef de l’unité pour la biodiversité (DG Envi) qui a été le plus concret dans son discours : « Un renforcement des connaissances et des capacités à contrôler la situation des pollinisateurs seront des priorités. Dans le cadre de la future PAC, il s’agira de mettre en place une série de mesures utiles pour lutter contre le déclin de tous les pollinisateurs : lutte intégrée, alternatives aux pesticides, etc. »
La Commission cherche donc à trouver des indicateurs en relation avec les pollinisateurs. Là, les apiculteurs pourraient remplir une mission de partenariat avec les agriculteurs en les aidant à améliorer les points à risque environnementaux pour les pollinisateurs. La majorité des mesures visant à améliorer la qualité environnementale (y compris les mesures de contrôle) sont reprises dans le second pilier de la PAC. A ce jour, très peu d’États membres ont intégré les apiculteurs dans le second pilier, réservé aux agriculteurs professionnels. Si l’on veut intégrer les abeilles dans ces « mesures pollinisateurs », il serait beaucoup plus facile que les apiculteurs puissent y être reconnus. D’où ma question, lors de la semaine de l’abeille, à Jen Schaps, directeur des organisation d’un marché commun pour les produits agricoles (DG Agri) : « Quand on fait le bilan aujourd’hui, il y a peu d’états, pour ne pas dire très peu d’états, qui prennent en compte les apiculteurs. Alors si demain les apiculteurs doivent devenir des assistants dans le cadre de programmes de monitoring en utilisant leurs abeilles, ne faudrait-il pas demander que l’apiculture soit un secteur systématiquement reconnu qui puisse émarger sans discussion au 2ème pilier ? » Cette demande avait fait l’unanimité des apiculteurs lors du Groupe de Travail Miel du COPA COGECA. La réponse faite est restée très évasive en rappelant que la liberté octroyée aux états membres pour gérer ces aides serait plus grande que par le passé. La porte est ouverte et nous aimerions vraiment pouvoir dégager des aides spécifiques (eco-scheme) pour les agriculteurs qui font déjà des efforts pour maintenir les pollinisateurs en place sur leur exploitation.
Un premier pas consiste à apprendre à mieux se connaître. C’est ainsi que nous organisons les 10 et 11 novembre prochains un week-end d’information pour les agriculteurs et pour les apiculteurs.