Bee Week 2018

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Michel Dantin, député européen, Président du groupe de travail « Apiculture & Santé des abeilles » de l’Intergroupe « Changement climatique, biodiversité et développement durable » du Parlement Européen

Les 3 journées de la Bee Week 2018 , organisée par le député Michel Dantin, a eu l’intérêt de faire se rencontrer des interlocuteurs issus de mondes différents qui ont été amenés à échanger et à exprimer leurs propositions pour certains, pour d’autres leurs points de vue et leurs contraintes : scientifiques, politiques, agriculteurs, apiculteurs, entrepreneurs… Le dialogue et la concertation restent en toute circonstance des objectifs cruciaux à atteindre pour tenter d’accorder les instruments de l’orchestre. Quoi qu’il en soit, un tableau de la situation actuelle s’est dégagé et il y a toujours avantage à connaître les acteurs en scène et les tendances actuelles dont il faudra surveiller l’évolution avec soin. Le rôle de l’EFSA est renforcé. Il est officiellement l’organisme de référence coordinateur des travaux de recherche sur la question de la santé des abeilles. Il coordonne désormais un partenariat en matière de collecte et de partage des données à ce sujet au niveau européen.
La collecte et le traitement des données est sans aucun doute un enjeu actuel qui repose sur une nécessaire collaboration entre toutes les parties prenantes. Espérons que la mise en œuvre d’applications concrètes sera suffisamment rapide pour répondre à l’urgence environnementale à laquelle nous sommes confrontés.

Francesco Panella, Président de Bee Life

Certains apiculteurs expriment un scepticisme bien compréhensible face au fossé qu’il y a entre la nécessité de redonner à la nature la place qu’elle perd chaque jour un peu plus et les nouvelles technologies (génie biologique, modélisation de l’environnement, agriculture de précision, ruches connectées, etc.) qui sont présentées comme des solutions. Francesco Panella, Président de Bee Life, le syndicat des apiculteurs européens, a exprimé les craintes du secteur apicole face à un tapis rouge déroulé aux dernières innovations technologiques : «Aujourd’hui, les fleurs ne produisent plus ni pollen, ni nectar du fait de la sélection dont elles sont l’objet. Nous avons des fleurs fantômes dans les champs.» Il est évidemment nécessaire de clarifier ce que sont les innovations technologiques qui sont présentées comme une partie de la solution et d’envisager leur impact non seulement sur les pollinisateurs mais encore sur l’ensemble des écosystèmes.

Karmenu Vella, Commissaire européen en charge de l’environnement

Les principaux points positifs viennent probablement de la position de la Commission européenne, exprimée, entre autres, par les interventions vidéo de deux commissaires. Le Commissaire Karmenu Vella (Environnement, Affaires maritimes et Pêche) acte le fait que l’agriculture intensive et les pesticides sont des facteurs de stress pour tous les pollinisateurs. Il déclare qu’un suivi de cet impact sur les pollinisateurs sera proposé à travers des « indicateurs de pollinisation » et promet que la nouvelle PAC tiendra compte de la nécessité d’un habitat favorable aux pollinisateurs. Reste à bien définir ce que couvre la notion « d’indicateurs de pollinisation » et à bien surveiller que ces indicateurs seront effectivement favorables aux pollinisateurs. Méfions-nous des « faux indicateurs » qui pourraient voir le jour au gré des intérêts de certaines filières. Il faudra faire des propositions constructives et dans un délai très court. Stefan Leiner, Chef de l’Unité pour la Biodiversité, (DG Environnement, Commission européenne) a rappelé les grandes priorités de la Commission, à savoir la lutte contre la dégradation des sols, contre le déclin des pollinisateurs et contre l’appauvrissement des milieux naturels. Un renforcement des connaissances et des capacités à contrôler la situation des pollinisateurs seront des priorités. Dans le cadre de la future PAC, il s’agira de mettre en place une série de mesures utiles pour lutter contre le déclin de tous les pollinisateurs (nous apprécions le caractère inclusif de la déclaration) : lutte intégrée, alternatives aux pesticides, etc. Les échanges avec les agriculteurs rappellent qu’il n’y a aucun consensus de leur point de vue concernant l’interdiction des néonicotinoïdes et du glyphosate. Les nouvelles décisions politiques ne sont pas bien acceptées et cela constitue un risque de voir mis à mal tous les efforts investis jusqu’ici.

Le Commissaire Phil Hogan (Agriculture et Développement rural) a, quant à lui, rappelé les objectifs clefs pour faire face aux efforts internationaux nécessaires à la préservation des pollinisateurs : intensifier la formation et les services de conseil, mettre en place des programmes d’investissement et de coopération, soutenir des modèles agricoles non-intensifs, prendre en compte les modifications climatiques dans la nouvelle PAC. Il rappelle que l’interdiction des néonicotinoïdes prendra effet fin 2018. Il mentionne aussi le fait que le budget consacré à l’apiculture dans le cadre du prochain Programme d’assistance européen au secteur apicole passera de 36 milliards d’euros à 60 milliards d’euros (budget européen global pour le secteur apicole, conditionné à la déclaration des ruches). Jen Schaps, Directeur des organisations d’un marché commun pour les produits agricoles (DG AGRI, Commission européenne), a déclaré que des efforts seront fournis (en particulier par la DG Santé) pour lutter contre les fraudes et contrôler les miels d’importation. La promesse de mieux protéger les produits de la ruche est sans conteste un des points positifs à retenir. La santé des consommateurs est désormais en jeu. Les travaux de la Commission vont dans un sens correspondant à la demande du secteur apicole : révision des règles d’étiquetage pour prendre mieux en compte la provenance du miel, lutte contre les contrefaçons, ajustement de la Directive Miel de 2001 pour inclure tous les produits de la ruche, soutien des initiatives pour introduire le miel à l’école dans le cadre de la formation au goût.

De son côté, le Parlement européen demande à la Commission d’ajouter un rapport sur l’usage à finalité thérapeutique du miel et des produits de la ruche au niveau européen. Les parlementaires souhaitent aussi que les produits de la ruche soient reconnus comme des produits sensibles et ainsi exclus des accords de libre-échange.

Rappelons que l’objectif du programme européen (co-financé par les états) est la mise en place d’actions pour améliorer la production apicole et la commercialisation des produits de la ruche. Huit mesures spécifiques sont éligibles au financement européen :

  • L’assistance technique : formation pour les apiculteurs et groupe d’apiculteurs, sur des sujets tels que l’élevage ou la prévention des maladies, l’extraction du miel, son stockage, son conditionnement, son étiquetage, etc. ;
  • La lutte contre les espèces invasives et les maladies (frelon asiatique, petit coléoptère des ruches, varroa et son impact) ;
  • La rationalisation de la transhumance (impact sur la pollinisation et la nutrition des abeilles) ;
  • Les analyses des produits de la ruche : miel, gelée royale, propolis, pollen et cire d’abeille ;
  • Le développement du cheptel ;
  • La recherche appliquée ;
  • La surveillance du marché des produits de la ruche ;
  • L’amélioration de la qualité des produits en vue d’exploiter leur potentiel sur le marché.

Une information complète sur le résultat des différents programmes des pays membres est disponible sur le site de la Commission européenne.

 

Etienne Bruneau, Administrateur délégué du CARI, Président du groupe de travail miel du COPA-COGECA, Président de la commission Technologie et Qualité d’Apimondia

Si, à l’instar d’Etienne Bruneau, on peut se réjouir de l’augmentation annoncée du budget dédié à l’apiculture, il reste que le rapport entre les pollinisateurs et l’agriculture relèvera toujours du 2° pilier de la PAC (politique de développement rural) ce qui constitue le risque de soumettre le sort du secteur apicole au bon vouloir des états membres : « Quand on fait le bilan aujourd’hui, il y a peu d’états, pour ne pas dire très peu d’états, qui prennent en compte les apiculteurs. Alors si demain les apiculteurs doivent devenir des assistants dans le cadre de programmes de monitoring en utilisant leurs abeilles, ne faudrait-il pas demander que l’apiculture soit un secteur systématiquement reconnu qui puisse émarger sans discussion au 2°pilier ? Le budget de l’apiculture va peut-être représenter dans le futur 0,2% du budget de la Politique Agricole Commune, cela a de la valeur pour nous mais globalement on ne pèse pas très lourd. On s’entend souvent dire qu’il y a d’autres priorités. Comment arriver à ce que les apiculteurs soient pris en considération dans le cadre du 2° pilier ? » La question d’Etienne Bruneau est restée globalement sans réponse.

La position du secteur apicole dans la PAC 2014-2020 est un chantier important qui s’ouvre. De nombreux dossiers ont avancé dans le bon sens ces dernières années, en particulier en matière de valorisation et de protection des produits de la ruche. Un événement tel que la Bee Week permet surtout de comprendre où faire porter l’énergie pour continuer de défendre au mieux le secteur apicole européen. Choisir de voir le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide aidera à consolider les acquis.

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