Aménagement des espaces verts favorables aux pollinisateurs

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Aménagement des espaces verts favorables aux pollinisateurs

Dans le cadre de la campagne « Abeille et compagnie », l’asbl Adalia a organisé le 25 Mars dernier en collaboration avec la Wallonie une journée intercommunale sur les aménagements des espaces verts favorables à la biodiversité (et en particulier pour les pollinisateurs). Selon les mots de la ministre de l’environnement Mme Tellier, l’aménagement des espaces verts ne doit pas être négligé étant donné que ces derniers recouvrent une surface conséquente en Wallonie. De plus, Mme Tellier ajoute que les crises actuelles que nous traversons ne doivent pas occulter les objectifs de préservation de la nature et de la biodiversité. C’est dans cet état d’esprit que les objectifs du projet « Yes we plant » ont été atteints, à savoir la plantation de 4000 km de haies et d’un million d’arbres en Wallonie. Cette journée intercommunale a été animée par de multiples intervenants, à savoir Maité Loute (Adalia), Pascal Colomb (Ecowal/Ecosem), Severine d’Ans (Apiflora), William Fiordaliso (UMons), Denis Michez (UMons) et Arnaud Stas (SPW). Un résumé des informations dispensées lors de cette journée est disponible ci-dessous.

La gestion différenciée des espaces verts comme b.a.-ba d’un environnement favorable aux pollinisateurs

La gestion différenciée des espaces verts consiste à adapter le mode d’entretien d’un espace à sa fonction afin de respecter au mieux l’environnement et la santé humaine. Cette gestion reprend à la fois des techniques classiques (fleurissement avec des annuelles horticoles, pelouse courte, haies monospécifiques, etc.) et des techniques alternatives (fleurissement avec des vivaces, prairies fleuries, etc.). Cette gestion des espaces verts permet de gagner du temps dans certains espaces pour le remettre ailleurs. Elle se base sur quatre piliers en faveur des pollinisateurs : les ressources alimentaires, les ressources de nidification, les réseaux écologiques et la communication et la contribution aux changements.

Les ressources alimentaires

Les ressources alimentaires sont fondamentales pour les pollinisateurs. Plusieurs modes de gestion des espaces verts permettent de les promouvoir. Les prés de fauches en plus de garantir le logis pour de nombreux insectes et invertébrés permettent le fleurissement d’une multitude d’espèces végétales. La tonte différenciée qui consiste à appliquer différents régimes de tonte à un espace enherbé permet de laisser intacte une bonne partie de l’espace vert tout en garantissant une impression d’entretien. Que ce soit pour les prés de fauche ou la tonte différenciée, ces deux gestions des espaces verts sont des gains de temps et d’argent. Il est également conseillé de ramasser le matériel de fauche (ou de tonte) afin de favoriser les plantes à fleurs et non les graminées. Ces deux gestions des espaces verts sont des gains de temps et d’argent. Le pâturage s’il est bien réalisé (sans surcharges en bétail, avec des races rustiques et n’utilisant pas de fertilisants) mène à une flore diversifiée. La gestion extensive des haies permet d’offrir des ressources durables pour les pollinisateurs et les haies diversifiées assurent une floraison successive étalée sur toute la saison. La végétalisation repose sur les principes de tolérance aux mauvaises herbes et d’installation volontaire de plantes aux endroits où l’on ne veut pas désherber. La gestion extensive des arbres et des ligneux offre une ressource florale abondante en terme de nectar et de pollen mais aussi en propolis et en miellat pour certaines essences. En ville, la création de massifs floraux contenant des fleurs exotiques non invasives, des fleurs de variétés horticoles à fleurs simples ou encore des fleurs indigènes mellifères augmente aussi la ressource mellifère. Enfin, si les ressources florales sont fondamentales pour l’entomofaune pollinisatrice, la disponibilité en points d’eau n’en est pas moins et il est important de la considérer dans l’aménagement des espaces verts!

Les ressources en nidification

Afin de rendre les espaces verts plus accueillants pour les pollinisateurs, il faut éviter de les rendre trop « propres ». Les arbres et les arbustes, les bois morts, les souches, des tiges creuses ou encore des zones sableuses et des agencements de pierres sans liant intègrent des supports de nidification (oiseaux, insectes, autres) et font donc office de supports de biodiversité. Les tas de bois morts sont aussi intéressants pour des insectes floriphages qui pollinisent indirectement les fleurs. Les vieux arbres tels que les saules, les frênes, les chênes et les anciens vergers à hautes tiges fournissent pas mal de cavités en faveur de la biodiversité. Il est important de se rendre compte que la ressource en nidification est tout aussi fondamentale que la ressource alimentaire. Par exemple, une espèce d’abeille présentant des besoins de nidification particuliers peut souffrir d’un plus haut niveau d’extinction qu’une autre espèce d’abeille ayant un régime alimentaire similaire mais un niveau d’exigence moins élevé en terme de nidification.

Les réseaux écologiques

Il est important de prendre un peu de hauteur et de considérer l’environnement dans sa globalité afin de créer des liens et des voies de communications entre les multiples « réservoirs » de biodiversité. Ces réservoirs reliés entre eux (par exemple grâce à des alignements d’arbres et d’arbustes) créent un réseau écologique, ce qui permet d’éviter l’isolement des zones. Enfin, que ce soit à l’échelle de la ville ou à l’échelle de la rue et de la parcelle, il est important de favoriser une certaine hétérogénéité végétale.

Source: https://nivelles.be/node/496

Action de communication pour contribuer au changement.

La commune est un acteur important dans les démarches de gestions différenciées des espaces verts en terme de communication avec les citoyens. Trop souvent, une mauvaise communication avec les citoyens mène à une incompréhension collective des gestions différenciées. Une certaine pression est alors mise sur les politiques pour exiger des espaces verts plus « propres », ce qui bloque la mise en place de gestions différenciées. Certaines communes par contre poussent la collaboration avec le citoyen plus loin en leur proposant des contrats d’entretien des bacs de fleurs.

La création de massifs floraux, tout un art!

Source: https://laterreestunjardin.com/prairies-fleuries/

Le fleurissement hors sol

Le fleurissement hors sol est pertinent lorsque le terrain est fortement minéralisé. Il n’y a alors pas d’autres solutions que de travailler avec des bacs à fleurs, malgré une demande d’entretien plus conséquente (arrosage,…). Cependant, plusieurs communes y recourent alors qu’il y a du terrain pour planter…

Évolution du choix des plantes en ville

Par le passé, c’était souvent des plantes annuelles et horticoles qui étaient utilisées pour fleurir les villes. Actuellement, ces plantes sont majoritairement remplacées par des plantes vivaces et indigènes, ce qui diminue le travail d’entretien (changement moins régulier des plantes) et qui offre plus de volume et de diversité. De plus, les plantes horticoles ont souvent des fleurs complexes qui donnent beaucoup moins de nectar que les fleurs simples ( suite à la transformation des nectaires en pétales) mais qui attirent fortement les pollinisateurs par leurs couleurs vives, ce qui finit par épuiser ces derniers. Aujourd’hui, les espaces verts sont remplis d’espèces annuelles plus variées que par le passé, qui ont une plus grande structure et qui sont plus mellifères. Cependant, il est tout de même à noter qu’un usage de plantes horticoles annuelles parcimonieux peut être apprécié par le citadin, pour des raisons d’esthétisme.

La question du choix entre les espèces indigènes ou exotiques

Le choix entre les plantes indigènes et exotiques dépend du contexte. En ville, il existe des contraintes de sol, d’espaces, d’impétrants et de températures pour lesquelles les plantes exotiques sont mieux adaptées et qui peuvent justifier leur implantation. Ces plantes exotiques peuvent dès lors garantir une certaine ressource florale qui ne pourrait pas être offerte par des plantes indigènes qui supportent moins bien ces contraintes citadines. Ces dernières ayant notamment besoin de plus d’espace et de températures plus fraîches. Cependant, il faut oser planter des plantes indigènes en ville, lorsque les conditions le permettent. Etant donné une floraison moins spectaculaires et plus éphémères (qui pourrait décevoir le citadin), Pascal Colomb conseille de diversifier les parterres en villes avec un mélange véritable de vivaces et d’annuelles. Dans un espace rural, la plantation d’espèces exotiques ou horticoles se justifie moins bien. Il vaut mieux dans ce cas-là privilégier nos espèces indigènes qui ont développés des liens étroits avec la faune au cours du temps. Implanter des espèces exotiques dans les milieux ruraux pourrait perturber le fonctionnement et la biodiversité des forêts et des campagnes.

Une gestion diversifiée de l’environnement favorise la diversité de l’entomofaune

La biodiversité des abeilles est énorme et regroupe 1965 espèces. En Europe, il y a donc 9 fois plus d’espèces d’abeilles que de mammifères. Cette grande diversité au sein même de l’entomofaune pollinisatrice nécessite une grande diversité en terme de gestion des espaces verts, chacune des espèces pollinisatrices présentant des besoins spécifiques en terme de ressources (alimentaires, environnementales,…).  En effet, il existe un lien fort de coévolution entre les pollinisateurs et les végétaux. Hors, trop souvent, les mesures mises en place pour l’entomofaune pollinisatrice se basent sur les besoins des espèces d’abeilles que l’on connait (abeille mellifère ou encore certaines abeilles sauvages) et négligent les besoins spécifiques des autres espèces moins connues et pourtant en voie de disparition. Certaines abeilles sont polylectiques et nécessitent une ressource spécifique à une période précise de l’année et l’implantation d’hôtels à insectes n’aide pas la plupart des espèces d’abeilles qui sont terricoles. Le mot d’ordre lors de la gestion des espaces verts est de favoriser l’hétérogénéité de ceux-ci afin de combler les besoins spécifiques de l’ensemble de la diversité de l’entomofaune pollinisatrice. Enfin, il est à noter que plus la diversité en insectes au sein de l’entomofaune est grande, plus il existe de niches intéressantes contribuant à la pollinisation et à la gestion des ravageurs. Une gestion des espaces verts diversifiée promet donc une amélioration de ces deux derniers services écosystémiques.

Les pollinisateurs et le changement climatique

Le réchauffement climatique ne porte pas trop préjudice aux abeilles dans un premier temps puisqu’un climat chaud et sec leur est favorable. En effet, on peut observer une plus grande diversité d’abeilles dans les régions méditerranéennes et le réchauffement climatique a eu un impact positif sur le développement des abeilles ces 20 dernières années. Cependant, la modification des températures moyennes et de la pluviométrie peut mener à des migrations de certaines espèces vers le nord, ce qui est par exemple le cas pour certains bourdons. De plus, les évènements extrêmes (qui seront de plus en plus fréquent et de plus en plus intense) peuvent engendrer la mort de certaines espèces qui n’auront pas eu le temps de migrer ni de s’adapter. Par exemple, les bourdons tombent dans les pommes après un certain temps lors de vagues de chaleurs importantes et leur fertilité diminue lorsqu’il fait trop chaud. Les conséquences du changement climatique peuvent aussi être indirectes en modifiant la distribution spatiale et temporelle des floraisons qui ne concorderait alors plus avec les périodes de vol des abeilles.

Quelques ressources:

Vers un fleurissement favorable aux pollinisateurs – Collection ESPACES VERTS – N°2

Le fleurissement différencié – Adalia

Guide du fleurissement pour l’embellissement des espaces verts – Ecowal

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